jeudi 30 octobre 2008

Zacatecas, bis

Avant tout, Zacatecas c'est là, et la ville se situe à peu près au milieu de l'état.

Mercredi, Carlos m'a emmenée déjeuner chez ses parents, qui habitent à Ojocaliente, un bled situé à une soixantaine de kilomètres de Zacatecas. Quand il m'a dit « desayuno », je m'attendais naïvement à un petit repas simple impliquant peut-être des fruits, du café et quelque chose comme du pain ou un autre féculent du même genre. Eh bien j'étais loin du compte! Je n'ai pas compté tous les plats que j'ai mangés, mais il y avait, en vrac: des sandwiches de légumes et d'avocat, du riz avec une sauce aux haricots rouges, des quesadillas (crêpes de fromage), un truc sucré fait à base de bananes flambées et de je ne sais quelle racine étrange, de la pêche au sirop (« mange, mange, ça aide à la digestion »), du jus d'oranges, du jus de goyaves... Un très bon repas! J'ai trouvé les parents des deux frères très accueillants et sympathiques, et aussi très curieux. Le père m'a posé des dizaines de question sur la Suisse et l'Europe, et nous avons finalement ouvert un dictionnaire encyclopédique pour avoir les réponses à des questions auxquelles je ne savais pas répondre. Lui a eu une vie relativement atypique pour un Mexicain: étant jeune, il est partie étudier en Russie, a eu un fils avec une Russe, puis s'est séparé de cette femme et est rentré au Mexique, où il a rencontré la mère de Nasul et de Carlos. Il a aussi vécu un temps au Chili, où il a vécu de près le coup d'Etat... Lui et sa femme m'ont raconté que tous deux avaient vécu seuls avant de se marier, ce qui était rare à l'époque où, comme c'est encore le cas dans de nombreuses familles, l'on passait directement de la maison des parents à la demeure matrimoniale.

Ce couple m'a semblé très ouvert d'esprit et de coeur, ce qui explique sans doute pourquoi leurs fils font partie du réseau de couchsurfing. Je n'ai par contre pas encore trouvé de famille mexicaine ouvrant son foyer aux voyageurs: ceux qui le font sont, à l'instar de mes trois amis de Chihuahua et des deux frères, des personnes généralement célibataires et ayant fait des études supérieures. Mais je crois que cela ne suffit pas, et que ces personnes, les couchsurfeurs, ont un petit truc en plus. Je ne sais pas ce que c'est, mais j'ai pu sentir que ce petit quelque chose, Carlos et Nasul l'avaient hérité de leurs parents. La situation des Chihuahuenses est par contre un peu différente. Je ne connais pas vraiment la situation familiale de Polo et d'Ulises, mais Koko m'avait raconté que ses parents étaient très conservateurs et religieux, et que de tous ses frères il était le seul à ne pas s'être marié; il est considéré par sa famille comme le mouton noir du troupeau. Du coup je le compare aux Zacatecanos et me demande comment quelqu'un né dans une famille aussi typiquement catholique et consevatrice est devenu ce qu'il est devenu, une personne aussi ouverte d'esprit et anticonformiste... Je me réjouis de surfer d'autres maisons mexicaines, pour pouvoir comparer la situation de mes hôtes.

Au retour, Carlos et moi avons eu droit à un contrôle en règle et à une fouille complète de la voiture par les militaires. J'avais envie de rire en voyant ces quatre gaillards en treillis kaki se contorsionner très sérieusement pour ouvrir la boîte à gants, soulever les tapis de sol et tapoter les portières...mais j'ai jugé plus raisonnable de me contenir et de fermer ma gueule. Comment vous appelez-vous, où allez-vous, d'où venez-vous? Carlos a répondu avec flegme, habitué qu'il est à cette situation. Les militaires ne m'ont par contre absolument rien demandé, et j'aurais aussi bien pu dissimuler un kilo de coke dans mon sac...

J'ai également eu le droit à de la musique russe pendant que nous roulions: la Russie intéresse en effet Nasul et Carlos, qui sont déjà allés visiter leur demi-frère à Moscou. Je ne sais pas pour vous, mais à moi le mélange Russe-Mexicain m'apparaît comme franchement fascinant, car plutôt improbable; et la voix ce type chantant à plein poumons de son accent rocailleux imprégné de vodka résonnait presque comiquement dans ce paysage mexicain désertique et rempli de cactus.

En fin de journée, Nasul m'a emmenée sur le Cerro de la Bufa, la colline qui domine la ville. "On monte comment?" - "A pied." - "Mais...ce téléphérique me paraît bien intéressant..." - "Non, on monte à pied." - "Hum, mais tu sais, je ne suis pas habituée à un air aussi raréfié, et en plus j'ai de l'asthme, je viens de manger, et puis avec le peu d'exercice que j'ai fait ces temps, je ne sais pas si..." - "On monte à pied." Bon. Nous sommes montés à pied. Ca n'était pas si terrible, finalement, et la vue, au soleil couchant puis de nuit, en valait vraiment la peine.




Là-haut, il y a une statue équestre, une croix de néons et des bâtiments, dont un dédié aux hommes illustres de Zacatecas.



Et je suis toujours dans mon trip arborisombricole. Et je m'en fous si ce mot n'existe pas!
Voici les deux frères, Nasul à gauche, le cadet d'une année, et Carlos à droite. Admirez le regard sceptique du petit frère...


Et un portrait de Nasul que j'aime bien.Le chemin qui mène à la maison, de nuit. J'adore ces petites ruelles. Des bâtiments mal insonorisés s'échappent parfois de la musique et des éclats de voix.





Près de la cathésdrale. J'ai tenté un effet de mouvement, à droite, mais ça ne donne pas terrible.





Ce matin, j'ai appris que j'allais faire un tour à vélo avec Carlos. Décidément, ils ne me laissent pas souffler! Moi je veux bien, j'adore le vélo. Sauf que celui qu'ils m'ont prêté était trop petit, les vitesses se changeaient très mal et, surtout, cette p**** de ville est en pente! Nous n'avons donc que peu roulé, et j'ai réussi à convaindre mon guide que se vautrer sur l'herbe au soleil était l'essence même du bonheur. Nous entendions des vaches meugler tout près, et au loin le son de la camionnette qui vend le gaz: "Tiloudiliiii, el gaaaaaas! Tiloudiliii, el gaaaas!", tandis qu'une légère brise soufflait dans les arbres.
Demain, vendredi, je m'en vais. Enfin, je crois. Le problème, c'est que les rencontres que l'on fait grâce au couchsurfing sont tellement riches que l'on ne peut plus partir! Je me rends ainsi compte que je n'ai pas besoin d'être amoureuse pour rester longtemps au même endroit, la compagnie de deux bons amis suffit à faire défiler les jours à toute vitesse. A ce rythme, je ne sais pas si je pourrai attrapper mon avion à Buenos Aires en juin!

mercredi 29 octobre 2008

Zacatecas

J'ai donc pris le bus de nuit de Chihuahua à Zacatecas samedi soir, et ai été, ma foi, très agréablement surprise: sièges inclinables confortables, toilettes impeccables, DVD... J'ai même réussi à dormir et suis arrivée fraîche comme une rose. Il faut dire qu'il s'agissait d'un bus de première classe, le luxe! Et le meilleur dans l'histoire, c'est que je n'ai payé que l'équivalent de 60 CHF pour ces 12 heures.
Ces deux photos ont été prises lors d'arrêts dans des bleds proches de Zacatecas.
"Accès interdit aux piétons"...j'aime bien la silhouette censée représenter le piéton moyen!



Une fois en ville, j'ai marché jusqu'à la cathédrale sous un soleil de plomb et ai attendu là mes couchsurfeurs, les frères Carlos et Nasul. Ils sont venus me chercher en voiture, et heureusement! Leur maison se situe en effet sur les hauteurs de la ville, et je peux vous garantir qu'à 2500 mètres d'altitude on sent passer le moindre effort avec un gros sac à dos...surtout après les semaines hautement diététiques et sportives que je viens de passer. Ici, on peut dire que c'est du couchsurfing de luxe: j'ai une chambre à moi toute seule où je peux m'étaler, avec un bon lit, et j'ai même une armoire à disposition! Je vois peu Nasul, qui est souvent avec sa copine, mais Carlos a du temps à me consacrer. Il m'a emmenée manger plusieurs fois en ville, notamment dans la rôtisserie de poulets familiale, et m'a indiqué, sur un plan, tous les musées et monuments qui valaient la peine d'être visités. Il m'a également donné beaucoup de musique et raconté sa vie le premier soir, concluant par: « voilà ce que je pouvais te dire sur moi; à toi, maintenant ». J'avais du coup plus l'impression d'avoir connu Carlos sur meetic.com que sur couchsurfing.com! Quoi qu'il en soit, il est très sympa et disponible. Il me pose de nombreuses questions sur mon pays, auxquelles je ne sais pas vraiment répondre. Comment est le système politique? Euh...on a sept gars à l'exécutif...on vote souvent... Comment fonctionne le système des redevances télévisuelles? Est-ce que l'Euro te revient cher quand tu voyages en Europe? Quelle est la température moyenne, chez toi, en octobre? Comment c'est, le romanche? Quel est le salaire minimum? C'est sûr, la prochaine fois que je pars, je me documente et j'emporte avec moi un plan de la Suisse, des photos de Genève et quelques billets de banque! Et il faudrait peut-être que je visite un peu mon tout petit pays, histoire de pouvoir en parler et me sentir suisse.

Mardi matin, j'ai eu le droit à une leçon de salsa portoricaine juste après le déjeuner, dans le salon et en chaussettes! Quand Nasul a appris que je dansais un peu, il ne m'a pas demandé mon avis et m'a entraînée sur la piste au son de Buena Vista Social Club. Doué, le mec! Et apparemment je n'ai pas trop perdu, depuis 6 mois que je n'avais pas dansé la salsa. Ca me donne envie de descendre vers Cuba, et ça réchauffe; oui, parce qu'il faut dire que le temps a changé radicalement d'un jour à l'autre, et maintenant je me sens comme à la maison, avec le bout du nez gelé et du brouillard dans les rues! Cette sensation n'est pas désagréable. Ca faisait longtemps que je n'avais pas senti cette odeur de froid, ça me rappelle que nous sommes en automne.

La ville est très belle, son centre est d'ailleurs classé au patrimoine culturel de l'Unesco; du coup, l'éclairage public y est jaune et tamisé, les câbles éléctriques et téléphoniques sont tous enfouis, et les enseignes des magasins sont peintes en un noir discret. Le tout me rappelle un peu Salamanque, pour ceux qui connaissent, mais en plus pentu, et avec une touche de Reykjavik pour les maisons joyeusement colorées. Je l'ai arpentée seule puis, mardi, en compagnie de Carlos, qui s'est fait mon chauffeur et guide. Il m'a d'abord conduite dans un musée rempli de masques et situé dans un ancien couvent, puis il m'a fait vister trois hôtels étranges et intéressants, dont celui-ci, bâti sur une vieille arène à taureaux. Original.

Puis il m'a conduite jusqu'à la mine El Edén, qui est l'attraction majeure de la ville. Il s'agit d'une mine principalement argentifère, mais ayant également produit de l'or, du quartz et d'autres cristaux, pendant des siècles. On y descend avec un casque en plastique sur la tête, dans un petit train branlant; puis un guide assure la visite. Intéressant. Je sais maintenant reconnaître une veine d'argent et la différencier d'une veine de quartz, et je sais tout de la légende de Roque, qui a été puni par Dieu pour l'avoir maudit, et a disparu à tout jamais dans les profondeurs de la mine.

L'ambiance ici est très différente de celle que j'ai connue à Chihuahua. Carlos ne boit pas d'alcool – ça lui donne des migraines – mais du thé vert et des jus de fruits. De plus, je ne l'ai pas encore entendu prononcer le moindre gros mot, et pourtant je commence à m'y connaître un peu! C'est à peine si j'ose moi-même utiliser ceux que j'ai appris. Il y a en outre ici une très belle terrasse qui domine toute la ville, et qui me rappelle un peu le toit de mes amis chihuahuenses, mais les frères n'y ont encore organisé aucune fête. Je passe donc un séjour tranquille et agréable, mais Chihuahua me manque vraiment.

Voici une vue depuis la terrasse, avec la cathédrale droit devant. Nasul et Carlos vivent vraiment en plein centre ville, c'est agréable.







"Prenez soin de ce lieu", dans un parc.

Celle-là, je l'aime beaucoup.



Bon, ça c'est de l'art, vous pouvez pas comprendre :)
C'est la ruelle ("callejón", joli mot) où vivent Carlos et Nasul.
On ne voit pas très bien, mais ce pigeon n'a qu'une patte. Déjà que ces bestioles ont l'air con normalement, je vous laisse imaginer à quel point celui-ci avait l'air ridicule...

J'aime bien l'orthographe mexicaine...
D'autres photos bientôt.

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Genève, Genève, Switzerland