mercredi 31 décembre 2008

La scandaleuse mésaventure de Fernando

En ce dernier jour de l'an, voici une petite histoire qui m'a laissée bouche bée et qui m'a donné à réfléchir.


Le gentil Fer rentrait, guilleret, d'un repas de Noël passé avec des amis, au volant se sa voiture. Alors qu'il venait de démarrer d'un stop, il a soudain vu une voiture de police se rapprocher et lui faire signe de se ranger sur le côté. Il s'est exécuté et a vu se profiler une silhouette dans la lumière aveuglante des phares de la voiture de police. Le policier, sans même demander ses papiers au pauvre Fer, lui tint à peu près ce langage: "Alors, le jeune, tu as le choix: soit tu me files 500 pesos (50 CHF) pour conduite en état d'ébriété, sans ceinture de sécurité, et en excès de vitesse et tu peux rentrer chez toi tranquille, soit je t'embarque au poste, tu passes la nuit en préventive, tu paies une amende de 400 pesos pour la conduite en état d'ébriété, plus 500 pour l'absence de ceinture, plus 500 pour l'excès de vitesse, auxquels tu ajoutes encore 600 pesos pour la paperasse*. A toi de voir, pour moi ça revient au même." Notre bon ami était incapable d'articuler un mot, estomaqué qu'il était. Sa ceinture était évidemment mise, il ne roulait pas à plus de 10km/h quand les flics l'avaient interpellé, et il n'avait que peu bu, ce qui de toute façon n'avait aucune importance étant donné qu'on ne lui avait pas demandé de souffler dans le ballon. Quand Fer se fut remis de sa surprise, il a saisi son téléphone pour appeler ses parents, mais le flic l'a interrompu: "Si tu téléphones, ça fera encore une amende pour usage du cellulaire au volant. Tu ferais mieux de me donner les 500 pesos et on n'en parle plus, crois-moi, il n'y a rien que tu puisses faire, je gagne ma vie comme ça depuis 15 ans." Fernando, rouge de colère, s'est finalement exécuté et a pu rentrer chez lui. Scandalisée, je lui ai demandé s'il n'y avait pas des voies de recours légal, et il m'a dit que oui, mais qu'il n'avait pas pu reconnaître le type en question parce que des lumières puissantes étaient braquées sur lui. Aucun moyen de connaître l'identité du ripoux. Maintenant que j'y repense, je me demande si Fer n'aurait pas mieux fait d'accepter de se faire conduire au poste. Après tout, là il les aurait vus, ses agresseurs, et aurait donc peut-être pu par la suite trouver une voie légale pour se plaindre. En outre, n'auraient-ils pas été obligés de produire des preuves de leurs dires, ou au moins de lui faire une prise de sang pour prouver son état d'ébriété? Ou alors, n'aurait-il pas pu appeler les flics, au numéro d'urgence, je veux dire?

Quoi qu'il en soit, ce genre d'histoire me fait revenir à la réalité: je suis au Mexique, pas en Suisse. Je sais, en théorie, que ce pays est moins sûr que le mien, plus corrompu, et que les Mexicains ont encore à régler des problèmes qui ne sont plus, ou presque, les nôtres depuis un moment. J'avais déjà entendu des histoires de massacres à Chihuahua, et d'ailleurs plusieurs personnes se sont encore fait tuer la semaine passée quand j'y étais (il y a de gros problèmes de trafic de drogues là-bas); mais c'est autre chose lorsque c'est l'un de mes plus proches amis qui est victime de la corruption étatique. Ca donne à réfléchir. J'aime ce pays, et je pense que j'avais plus ou moins déjà accepté l'idée de, pourquoi pas, rester y vivre une bonne partie de mes jours si l'occasion se présente; mais du coup, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Je veux dire: évidemment, les risques sont minces de se faire assaillir par des policiers corrompus, et d'ailleurs c'est la toute première fois que cela arrivait à Fernando; mais à cela il y a beaucoup à ajouter. Le système éducatif, par exemple est, d'après ce que tout le monde me dit, extrêmement mauvais. Les Mexicains de ma génération sont ainsi censés étudier l'anglais pendant des années depuis tout petits et pendant des années, mais j'ai pu constater que s'ils n'ont pas eu l'occasion de le perfectionner par la suite pour leurs études, ils le parlent en général très mal. En outre, j'ai eu l'occasion, dans le bus, de lire en entier le journal El Heraldo de Chihuahua, et j'ai écarquillé les yeux de surprise devant le nombre de fautes d'orthographe élémentaires (jamais d'accent sur le a de "más", par exemple) et surtout devant la construction extrêmement bancale des phrases; en comparaison de ce journal, le Matin Bleu est un chef-d'oeuvre de journalisme. Alors non, ça n'est pas un drame en comparaison des problèmes sociaux que connaît ce pays (la rente d'invalidité ne suffit par exemple pas pour vivre, et j'ai déjà évoqué l'interdiction de l'avortement et le manque criant d'éducation sexuelle reçue par les jeunes), et non, ça n'empêche personne de vivre, et ça ne m'empêche pas de côtoyer des gens intelligents, chaleureux et bons. C'est sûr. Mais il ne faudrait pas que je sous-estime l'impact de l'éducation suisse que j'ai reçue. Je suis certes flexible et sais que je suis capable de m'adapter à de nombreuses situations, mais suis-je prête à accepter de faire ma vie dans un pays où tout ce que je croyais acquis ne l'est pas? Surtout, serais-je prête à voir grandir mes enfants dans un tel environnement? D'accord, je n'en suis pas là. Mais je vais continuer à descendre le continent, et tous ces problèmes resteront les mêmes dans quasiment tous les pays que je traverserai...j'ai donc intérêt à m'y faire et à apprendre à aimer l'Amérique latine comme une personne: avec ses qualités, nombreuses, et ses défauts, tout aussi nombreux.



*Bon, oui, à part la toute première, j'ai inventé ces sommes, parce que je ne me souviens pas des chiffres que m'a donnés Fer.

mardi 30 décembre 2008

Retour à Chihuahua deux mois après

Me voici déjà de retour chez moi, à Aguascalientes, après avoir passé un peu plus d'une semaine à Chihuahua...moins que ce que j'avais prévu. De ce deuxième séjour dans le nord, je garderai de bons et de nettement moins bons souvenirs, mais tout est bien qui finit bien, comme on dit dans tous les blogs....euh! non, ça c'est dans les contes de fées. Bref, je ne vais pas m'étendre sur les détails. Je ne vous propose pas de récit magnifiquement construit ni de photos extraordinaires, mais juste quelques images et anecdotes, en vrac.


Pour Noël, j'ai été invitée à dîner dans la famille de Koko, en compagnie des deux Français complètement tarés qui surfaient les matelas des mecs quand je suis arrivée. D'ailleurs salut à vous, Aubin et Séb, si vous me lisez! Le repas fut très bon et copieux: morue aux piments et patates, dinde fumée, salade verte, spaghettis, salade de pommes avec raisins secs et marchmallows (!), gâteau au choc, et l'ambiance moins formelle que chez nous: le vin rouge ramené d'Argentine par Koko et les rasades de tequila ont sans doute contribué à détendre l'atmosphère. Un très bon moment. J'ai reçu de Koko la petite poupée ci-dessous, confectionnée par les Tarahumaras, les Indigènes de Chihuahua et ai rencontré une partie de sa famille. D'ailleurs, pour l'anecdote et surtout pour votre culture, sachez que les Mexicains ne sont pas tous petits, loin de là! Dans la famille Medina, j'en soupçonne certains de dépasser les deux mètres.

Derrière à gauche les parents de Koko, puis son (immense) petit frère Levi, sa femme et sa fille, et en bas Sébastien, Koko et Aubin.

Séb arbore fièrement la tarahumarita, similaire à la mienne, qu'il a reçue de Koko.

Et puisqu'on en est à parler culture, j'ai été frappée par l'emploi récurrent que les Chihuahuenses font du mot "mija", ce que je n'avais pas remarqué en octobre. "Mija", c'est la contraction de "mi hija", littéralement "ma fille", et j'y ai eu le droit de la part de chacune des personnes plus âgées que j'ai côtoyées, jusqu'au chauffeur de taxi, qui utilisait ces mots conjointement au vouvoiement, curieusement: "A dónde va, mija?", "De dónde es, mija?". Ca me changeait un peu des "Güerita", "blondinette", auxquels j'ai habituellement droit... Dans le même ordre d'idée, j'ai également constaté que les jeunes, eux, utilisent le mot "jefe", "chef", quand ils s'adressent à un aîné, même inconnu, lorsqu'il s'agit de commander à manger dans un bouiboui, par exemple. Ce que j'ai oublié de demander, c'est si ce mot doit être pris au sens littéral, "chef", ou s'il possède ici la signification de "père", ce qui coïnciderait avec l'emploi de "mija"; en effet, une autre caractéristique des gens de Chihuahua est de parler de leur "jefa" et de leur "jefe" quand ils mentionnent leurs parents. Tiens, il faudra que je vérifie si cela se dit aussi dans le sud... Ces mots en disent en tout cas pas mal sur la relation parents-enfants et, par extension, jeunes-moins jeunes, sans doute plus hiérarchisée ici que chez nous.

Sinon rien à voir: j'ai dégusté à Chihuahua ma toute première (et sans aucun doute la dernière) fondue de l'année! Cela faisait un moment que ces paquets clamant « swiss fondue ya lista » me faisaient de l'oeil au supermarché du coin, j'ai fini par en acheter de deux sortes différentes (au même prix que chez nous, gulp). Les Mexicains, qui avaient eu une mauvaises expérience avec le brie que j'avais acheté en octobre (« ça a un goût de terre ou de chaussettes! ») n'ont pas voulu y goûter, mais les Français et moi avons été fort agréablement surpris par le mélange gruyère-emmental. Marrant de tremper du pain mexicain légèrement sucré dans ce fromage suisse, puis de se battre pour gratter la « religiosa » au fond de la casserole pourrave...

Et de nouveau rien à voir: un matin, les Français et moi sommes allés visiter Ulises à la radio où il travaille et avons eu notre quart d'heure de gloire quand lui et son collègue Mauricio ont parlé de nous en direct. « Mesdemoiselles, préparez-vous, deux Français sont en villes! Appelez pour eux! Et Messieurs, nous avons ici une beauté suisse... ». Aubin (que les Mexicains nomment Ouba, incapables qu'ils sont de prononcer les nasales) a même eu le privilège d'annoncer l'heure et la température en francés, ce qu'il a fait en bafouillant quelque peu. Je voulais vous mettre la vidéo de ce moment d'anthologie, mais internet rame et je n'ai pas la patience d'attendre. On verra demain...







Et le froid alors? Terrible, supportable? Eh bien la première partie de la semaine fut très agréable, j'ai regretté de ne pas avoir emporté plus de t-shirts, et je suais presque en manches courtes le jour de Noël. Mais dès le 26, les choses se sont gâtées. Au soir, il a commencé à venter plutôt fort; pronostic de mes hôtes: demain, il fera froid. Ah ben on peut dire que les Chihuahuenses maîtrisent l'emploi de l'euphémisme! Il ne faisait pas froid, il faisait TRES froid. Ca n'a fait qu'empirer jusqu'à la veille de mon départ, et dimanche, la simple idée de sortir les jambes de dessous les couvertures pour marcher en direction des toilettes suffisait à provoquer en moi une légère angoisse. Enfin, j'ai quand même été ravie d'étrenner l'écharpe que m'avait offerte Álvaro ainsi que mon élégante veste d'hiver, et j'ai profité avec plaisir de l'air vif sur mes joues quand je sortais dans la rue, comme à la maison. N'empêche que j'ai renoncé à aller rejoindre les Français à Creel, dans la sierra tarahumara, parce que bon, il fait -5 ° là-bas en ce moment et faut pas pousser, ma résistance a des limites, surtout dans une auberge de jeunesse sans chauffage ni couvertures. Me voici donc de retour à Aguascalientes, plus tôt que ce que j'avais prévu, et prête à commencer 2009 en authentique Hidrocálida.*




Sur le toit. Un endroit fort agréable pour s'exercer à la guitare loin des oreilles sensibles...enfin quand il n'y fait pas 0°, évidemment.


Vous vous souvenez de la photo que j'avais prise d'une peau de banane arborant le mot "plátano"? Ben voilà, c'est la suite logique. Je médite actuellement sur le moyen d'inscrire "fresa" sur une fraise...

Nous avons laissé ce mot sur la porte quand nous sommes sortis sans Sébastien, qui était déjà en ville. Apparemment les voleurs ne parlent pas français, à Chihuahua... Pratique!


"A louer"
Avec Séb et Erika. Sur cette photo, nous venions de rencontrer cette dernière. Ou plutôt, Sébastien venait de l'aborder, en pleine rue, misant à fond sur son accent français. Ca a bien marché, Erika a ensuite passé de nombreuses heures à la maison, échangeant avec Séb, dans une petite guérite sur le toit, des...euh...propos fort chaleureux.Nous avons rencontré ce jeune homme au Palacio Municipal. Rassurez-vous, le type est acteur, il ne s'habille pas tous les jours comme ça! Il était présent pour jouer Miguel Hidalgo y Costilla, le "père de la patrie", qui est né à Chihuahua et a contribué à libérer le Mexique... Je vous fais grâce des détails historiques que je ne connais de toute façon pas.
Deux portraits marrants. Ne me demandez pas pourquoi je tire cette tête, je ne m'en souviens pas.

Voici le "bocho" d'une bande de couchsurfeurs, un Danois, une Allemande et une Mexicaine, venus de Morelia, dans le sud-ouest, qui sont venus passer une nuit à Chihuahua et montaient jusqu'à San Francisco.
Le bocho avait de sérieux problèmes de mécanique, et nous avons dû le pousser pour qu'il consente à démarrer.Et voici enfin des photos prises à 7h du matin dans le terminal d'autobus. Je devais prendre le bus de 7h30 mais voilà, il avait du retard et n'est arrivé qu'à 9h.



Ah, et sinon, vous avez noté le plan des visites que j'ai ajoutée en haut à droite? Marrant, non? Bon, par contre il faut savoir qu'il n'est pas très précis; par exemple, quand je me connecte d'Aguascalientes, le système m'enregistre à Mexico... Du coup les nombreuses localités suisses qui sont mentionnées sont sûrement fausses. Mais bon, hein, moi j'aime bien quand même!

Sur ce, mon devoir d'information accompli, moi je vais m'en aller dormir au moins jusqu'à 2009 (il y a un énorme lit gonflable maintenant, plus besoin de dormir parterre, le luuuuxe!). Il est 4h du matin, je me suis levée il y a 22 heures (je vous raconte pas le calvaire de la douche à 6h du mat dans une maison sans chauffage), sur ces 22 heures en ai passées quasiment 15 dans le bus, et en plus j'ai bien entendu chopé la crève.

Je vous souhaite de passer une chouette soirée du 31!



* Mais oui, souvenez-vous, les habitants d'ici se nomment Hidrocálidos!

samedi 20 décembre 2008

Quelques éléments de culture mexicaine prénavideñesque

De Mexico City, Kal et moi sommes rentrés à Aguascalientes. Je dis « rentrés » et non pas « venus », parce que j'ai vraiment eu l'impression d'être de retour chez moi. La ville, les gens, la maison d'Álvaro...tout m'est familier, tout m'est confortable. Ces quelques jours avant Chihuahua se sont passés en visites à mes amis et balades tranquilles au soleil (il fait encore très chaud la journée), et Kal et moi avons eu l'occasion d'assister à nos deux premières posadas. Posada, en espagnol, ça veut dire « auberge » et « dar posada », héberger; et dans ce contexte prénoëlien ou prénavideñesque (j'invente des néologismes si je veux), une posada est une fête spécifique à la fin du mois de décembre, avec ses coutumes particulières, et à laquelle tout Mexicain participe au moins une fois. Cette fête est censée commémorer l'hospitalité qui a été donnée à Marie et Joseph dans une étable et, dans sa version traditionnelle, les hôtes sont supposés passer de maison en maison pour demander l'hospitalité; dans les faits, c'est surtout un prétexte à se réunir et à manger. La première posada à laquelle nous avons assistée n'était pas traditionnelle, elle ne contenait donc pas tous les éléments typiques d'une véritable posada; nous avons tout de même eu le droit aux tamales, à l'atole et aux piñatas. Les tamales, ce sont des espèces de pâtés confectionnés à base de semoule de maïs, enveloppés dans une feuille de maïs, et pouvant être salés ou sucrés. Cette fois-là, nous avons eu le droit à une délicieuse version au chili et au poulet, et je crois bien que je commence enfin à apprécier la nourriture piquante.

Ces tamales étaient accompagnés d'atole, une boisson sucrée typique des posadas, à base de maïs, elle aussi, et en l'occurence additionnée de jus de goyave. Pas mauvais, mais un peu écoeurant. Enfin, quand chacun eut fini ses tamales, le temps fut venu de suspendre les deux piñatas qu'Álvaro, Kal et moi avions choisies: une pour les femmes, une pour les hommes. On remplit chacune des deux piñatas de bonbons de toutes sortes (ci-dessous), et il s'agit de les briser à coup de bâton.


De nombreux magasins vendent des piñatas diverses et variés, en voici quelques unes, suspendues. Leur coeur est en terre cuite, afin qu'elles puissent être brisées sans trop de difficulté.
Voici les deux modèles que nous avons choisis.

Álvaro au fourrage...
Honneur aux femmes étrangères, j'ai été choisie pour porter les premiers coups. D'abord, on m'a bandé les yeux, puis on m'a fait tourner plusieurs fois sur moi-même, histoire que j'aie un peu le tournis, et c'était parti. Au moment où les coups sont portés, tous chantent une chanson d'encouragement, crient des absurdités comme: "vas-y, fort, frappe comme si c'était ton copain!!" et tentent de guider la personne qui frappe; mais évidemment, je ne comprenais pas grand chose dans ce brouhaha, et ça ne m'a pas beaucoup aidée. La piñata des femmes fut finalement brisée après cinq frappeuses, dégobillant son contenu de (mauvaises) sucreries, dans l'allegresse générale. Soit, c'est pittoresque; mais vous vous interrogez peut-être sur la signification d'un tel cirque, et il est de mon devoir de vous éclairer un peu! J'ai appris ce soir-là que la piñata représente le mal qu'il faut détruire. Une piñata traditionnelle possède ainsi sept pics, symbolisant les sept péchés capitaux; la nôtre n'en avait que cinq...quels sont les péchés que nous n'avons pas détruits? Pour ma part, je dirais la gourmandise et la paresse! Toujours est-il que c'est évidemment par la foi que, selon la tradition chrétienne, on parvient à détruire le mal, et cette foi est censée être aveugle, ce qui explique pourquoi on nous bande les yeux.

La piñata des hommes, que Kal a eu l'honneur de frapper en premier. Dans les magasins, les piñatas classiques côtoient des piñatas aux formes extravagantes.
Deux personnes, sur le toit (ici Álvaro), bougent la corde afin de faire se balancer la piñata et de rendre l'exercice plus difficile.
Le pauvre renne a rapidement perdu ses pattes, une à une...
Le lendemain, nous étions été invités à une posada bien plus traditionnelle, chez les parents de Marcela (souvenez-vous, c'est la fille qui a lu dans ma main), et les choses se sont déroulées un peu différemment. Déjà, la maison était somptueusement décorée, avec un immense sapin (artificiel), des boules scintillantes et des petits anges partout, et des chants de Noël résonnaient quand je suis arrivée. De quoi oublier qu'il avait fait une trentaine de degrés plus tôt dans la journée... En guise d'apéritif, des cacahuètes, des oranges et des mandarines, et du ponch aux fruits, sans alcool. Lorsque tous les invités furent arrivés, tout le monde s'est rassemblé pour une session de prières et de chants de Noël. Entre chaque chanson, qu'il accompagnait à l'orgue, un Ave María et un Notre Père. Nous avions en outre tous reçu une petite clochette, que nous étions censés agiter lors des chants...très jolie ambiance!


Bon, ça c'est juste la fenêtre des toilettes.

Le moment fut ensuite venu de "pedir posada", c'est-à-dire de demander l'hospitalité. Pour ce faire, les invités se sont divisés en deux groupes, l'un se postant à l'extérieur de la maison, tandis que l'autre restait à l'intérieur, ceux du dehors représentant Marie et Joseph demandant l'hospitalité à ceux du dedans. Nous avons tous reçu une bougie et les paroles de la chanson, et c'était parti. La chanson est écrite en castillan classique, mais certains, sans lire les paroles, la chantaient en espagnol mexicain: amusant contraste pour moi.

La dame qui rit était dedans, la dame floue au premier plan était dehors.
Je ne vais pas vous traduire l'ensemble du chant (et d'ailleurs zut, je crois que j'ai paumé la feuille), mais en gros Joseph demande l'hospitalité pour sa femme enceinte, et on le rejette; il dit alors qu'il s'appelle Joseph et est charpentier, mais on lui répond que son nom importe peu, qu'il doit laisser dormir les gens; Joseph dit que sa femme est la reine du ciel, et l'autre se moque de lui en lui répondant que si elle est reine, il est étrange qu'elle se promène en si pauvre équipage; Joseph finit par dire que sa femme s'appelle Marie et qu'elle va donner naissance au niño Dios, et l'autre lui ouvre enfin la porte; tous entonnent le chant final, et ceux du dehors (dont je faisais partie) entrent, précédés par la crèche, que portent deux enfants. Ce chant fut une grosse cacophonie discordante, mais j'ai aimé.


Une fois que l'hospitalité eut été accordée, il était temps d'allumer les feux de bengale. J'ai tenté quelques photos, mais elles ne sont pas terribles.
Ci-dessous, la piñata, que nous avons cassée ensuite. J'ai été à peine moins nulle que la veille.
Georgina, moi, Marcela, Kal, Alejandra. Oui, je sais, vous n'allez pas vous souvenir de tous les prénoms; mais moi je vais revoir toutes ces filles en janvier, elles sont devenues mes amies.








J'ai beaucoup aimé cette posada. Les parents de Marcela m'ont accueillie chaleureusement d'un "mi casa es tu casa", et j'ai senti que ça n'était pas une phrase creuse de bienvenue.

Voici enfin quelques photos prises sur la place de la cathédrale d'Aguascalientes.


Un mariage avait lieu ce soir-là. C'est un peu sombre, mais les types habillés bizarrement, de dos, sont des mariachis, embauchés spécialement pour l'occasion.
Un vendeur de bouffe. Il y a des centaines de ces petits stands de rue et, bien que les guides recommandent de ne pas y manger, je le fais régulièrement et n'ai aps encore attrapé la diarrhée. Oh, ça m'arrivera sûrement un jour ou l'autre, vu les conditions d'hygiène dans lesquels certains travaillent, manipulant la viande crue juste après les billets de banque; mais en attendant, c'est bon, convivial et pas cher. Je ne sais pas ce que sont les chaskas, mais elote est le nom que les indigènes donnent au maïs blanc, et qui est passé dans le langage courant. Un elote, concrètement, c'est soit l'épi entier couvert de beurre et d'une sorte de poudre de fromage et de chili, soit les grains noyés dans une sauce à base de crème et de fromage. Délicieux.
Les machins rose fluo qui ressemblent vaguement à de la barbapapa mais en plus chimique, c'est...de la barbapapa, mais en plus chimique. Jamais goûté.
Et voici enfin deux photos qui n'ont rien à voir, mais que j'aime bien.




Ce soir, je pars à Chihuahua avec le bus de nuit. Seule. J'étais censée partir avec Kal; c'était d'ailleurs son idée, au départ. Mais voilà, il se trouve que Kal et moi avons un peu de mal à nous supporter, ces temps....pas facile d'expliquer pourquoi, mais je vais essayer. Bon, déjà il faut dire que j'ai toujours classé Kal dans une catégorie un peu différente de celles dans lesquelles se trouvent mes autres amis. Lui, il n'entre pas vraiment dans "drôle", "dépressif", "paisible" ou "terre-à-terre"; je lui ai plutôt créé une catégorie toute particulière, qui serait quelque chose comme: "être étrange extrêmement intelligent et artiste totalement allumé, à la sensibilité très développée, ayant vécu des trucs de fous, capable de m'apprendre sur moi-même, les autres et la vie des choses que je ne soupçonnais même pas". J'ai ensuite appris à nuancer cette impression, en ajoutant: "être parfois complètement enfantin, et manquant de discernement, notamment en ce qui concerne les choses de l'amour, et donnant l'impression de savoir beaucoup de choses, mais en réalité à peine moins perdu que moi dans ce vaste monde". Bon. J'ai de Kal une image complexe, et ai encore du mal à le placer dans la bonne catégorie, mais jusqu'à récemment nous avons été très proches. Or, sans qu'il l'ait cherché, il a commencé à me blesser en me disant des vérités sur moi-même un peu difficiles à entendre. Pas de problème, je pouvais concevoir qu'il avait raison et que je devais me remettre en question. J'étais toujours disposée à voyager avec lui, me réjouissais de passer Noël à Chihuahua en sa compagnie, et voyais d'un bon oeil le fait que nous allions vivre ensemble à Aguascalientes dès notre retour. Ainsi, quand il a subitment décidé de ne pas m'accompagner, j'ai été vraiment déçue. Il m'a expliqué qu'il sentait que nous nous disputerions et qu'il ne ferait que me blesser plus, mais je n'étais pas d'accord: selon moi, nous étions tout à fait capable de vivre en harmonie, ne serait-ce que deux semaines de plus. Il n'est pas revenu sur sa décision, et je me rends compte qu'il avait foutrement raison: j'ai réalisé qu'en réalité je ne le supportais plus! Je n'en peux plus d'écouter son anglais lent et truffé d'erreurs, j'en ai marre de l'aider chaque jour à prendre sa "picture of the day", j'en ai ras le bol de l'entendre parler de gonzesses et d'amour platonique et surtout, surtout, je n'en peux plus de devoir surveiller mes mots sous peine de me voir embarquée dans une discussion philosophique sur la sagesse, la colère ou la critique. Je n'ai qu'une envie: partir loin de lui. Etrange, non? Un psy me dirait sans doute que s'il me dérange autant, c'est parce qu'il est mon poil à gratter, qu'il me dit trop de choses vraies que je n'ai pas envie d'entendre. Sans doute. Certainement. Mais à ce stade, je veux juste rigoler et boire des bières avec mes amis de Chihuahua, puis rentrer à Aguascalientes pour y passer quelques mois. Sans Kal. J'espère juste que nous pourrons nous revoir, et dans de meilleures conditions...

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