lundi 23 février 2009

De mon week-end à Morelia et du plurilinguisme

J'ai passé ce week-end dans le bus...euh! Je veux dire à Morelia, capitale de l'état de Michoacán, à 6 petites heures d'Aguascalientes. Morelia, c'est une jolie ville, mais je voulais surtout voir les papillons monarques, qui viennent par millions, chaque année entre octobre et mars, reposer leurs délicates ailes orangées dans quelques forêts de l'état. Un week-end, c'est très court, mais je voulais voir ces bestioles avant qu'elles ne s'en aillent. Résultat: pas de papillon, mais d'interminables et ennuyeuses heures de bus et du fric gaspillé pour rien. Mes hôtes m'avaient assuré que depuis Morelia, on arrivait en peu de temps au sanctuaire des monarques, c'est donc avec plaisir que j'ai fait la grasse matinée samedi. Après trois longues heures et demi, je suis arrivée au milieu de l'après-midi dans le village de Zitácuaro, d'où je devais encore changer de moyen de transport; sauf que la gentille employée de la compagnie de bus m'a fait remaquer que, le sanctuaire fermant à 17h30, je n'avais tout simplement pas le temps d'arriver là-bas à temps. Juste le temps de me faire zyeuter par quelques centaines de Zitácuariens pendant que je visitais leur glauque village, et j'étais déjà repartie pour Morelia, sans avoir vu le moindre bout d'aile. Morale de l'histoire: en voyage, rien ne sert de se presser et de chercher à faire le maximum de choses en un minimum de temps. Je tâcherai de retenir la leçon...

Quoi qu'il en soit, j'ai tout de même réussi à passer un agréable week-end, avec Violeta et Simon, mes hôtes, dont j'avais fait la connaissance à Chihuahua peu après Noël, et que j'avais déjà mentionnés, brièvement, dans un post datant, logiquement, de fin décembre. Violeta est de Morelia mais a pas mal voyagé et vécu, notamment, un an à Montréal, ville dont elle est tombée éperdument amoureuse. Simon, lui, est Danois et pianiste, et il a travaillé comme volontaire dans un tout petit village de Michoacán, où il a appris l'espagnol simple des gens de la campagne tout en enseignant l'anglais aux gamins. Ils se sont rencontrés il y a quelques mois et vivent depuis, ensemble, chez Violeta, mais Simon va bientôt rentrer au Danemark, histoire de finir ses études, tandis que Violeta rêve de retourner à Montréal. Encore un couple européo-mexicain dont je m'amuse à observer le mode de fonctionnement en attendant de, qui sait, me retrouver un jour directement confrontée à cette délicate situation.

Vendredi soir, Violeta m'a emmenée au "oui", un bar tenu par des Français. J'étais toute contente de pouvoir me lancer avec ceux-ci dans une conversation dans la langue de Molière, mais je me suis rapidement rendu compte que je peinais un peu à trouver mes mots et ne pouvais m'empêcher d'intercaler dans mon récit des excalamations en espagnol et des expressions mexicaines; il faut dire que j'ai tant de fois raconté l'histoire de mon voyage en espagnol!
Les Français, quant à eux, vivent à Morelia depuis déjà trois ans, et connaissent le Mexique depuis encore plus longtemps; c'est dire qu'ils sont tout à fait intégrés et que leur "mexicain" est parfait. Au bout de quelques minutes, je suis naturellement repassée à l'espagnol en présence de Mexicains, et n'ai plus reparlé en français, même lorsque nous étions exclusivement entre francophones. Assez surréaliste, comme situation, je dois dire que ça ne m'étais jamais arrivé de me sentir plus à l'aise dans une langue étrangère que dans la mienne propre. C'est sûr, ne nous leurrons pas, j'ai encore beaucoup de progrès à faire en espagnol si je veux un jour atteindre le même niveau que j'ai en français; mais quel plaisir que de sentir que cette langue qui n'est pas la mienne m'est devenue si familière que les mots sortent tout seuls, sans effort! Il est des situations, je l'ai compris à Morelia, où la richesse du vocabulaire et la perfection des constructions grammaticales s'effacent naturellement devant un autre impératif, quelque peu mystérieux. Dans ce bar, ce jour-là, ces francophones de naissance se devaient de parler espagnol entre eux pour rendre justice au lieu et à l'ambiance; et pour une raison qu'il m'est difficile d'expliquer, "qué se te antoja tomar?" sonnait tellement mieux, était tellement plus agréable à entendre qu'un boiteux "qu'est-ce que tu as envie de boire?".

Le lendemain soir, après ma déconfiture papillonnière, Violeta m'a à nouveau emmenée au centre ville, tandis que Simon gagnait sa croûte en jouant du piano dans un bar. Nous avons rencontré deux de ses amis, un Mexicain de Morelia et une Finlandaise qui travaille dans un bar et parle, elle aussi, parfaitement espagnol. Décidément, les Européens pullulent au Mexique, et j'en apprends plus sur eux qu'en restant dans mon propre pays! Nous avons laissé cette demoiselle travailler et avons continué à marcher en compagnie du Mexicain, Juan. Quand celui-ci a appris que je venais d'une région francophone, il m'a lancé avec enthousiasme: "Alors on va parler français!" J'ai appris qu'il avait passé un an à Paris, y avait une copine (encore!) et comptait y retourner bientôt pour se perfectionner en architecture. La conversation s'est donc poursuivie en français, et j'ai enfin pu entendre Violeta s'exprimer dans cette langue. Tous deux parlent très bien, ce fut un vrai plaisir. Je suis restée quelques minutes hors de la discussion, me contentant de tendre l'oreille pour savourer les différences d'accent et de vocabulaire: je pouvais en effet discerner, mêlé à l'accent mexicain de Violeta, celui du Québec que j'aime tant, et ai retrouvé avec plaisir dans ses phrases des "c'est pô si pire" et "mon chum", tandis que Juan s'exprimait avec les intonnations un peu hachées des Parisiens. A écouter ces deux basanés rendre ainsi hommage, au beau milieu de Morelia, à ma langue que j'aime tant, j'ai soudain éclaté de rire en réalisant ce que la situation avait d'incongru: si je veux m'exprimer dans ma propre langue, il me faut en effet chercher des Mexicains plutôt que des Français.

Simon et Violeta, dans leur "bocho", c'est-à-dire leur coccinelle, bizarrement peinte, et dont j'avais déjà posté quelques photos en décembre.


Une plaque de Michoacán, avec les fameux papillons, symboles par excellence de cet état.
Une photo de Simon involontairement marrante.
Violeta et sa "batida"




Vous souvenez-vous de la Pascualina de Chihuahua, ce mannequin qui semble vivant? Eh bien voici une histoire morélienne: une jeune fille, tombée amoureuse d'un beau galant, fut séquestrée par son père, qui la mainteint, dit-on, enfermée durant des années dans sa chambre, sans nourriture. La pauvrette parvenait néanmoins à tendre la main à travers les bareaux donnant sur la rue et survécut ainsi quelques années grâce aux aumônes concédées par les passants, jusqu'au jour où elle mourut. On ne voit pas grand chose sur la photo, mais l'expression du mannequin est saisissante...

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Au bar le "OUI":




A Morelia, j'ai eu également l'occasion de réfléchir à un autre paradoxe un peu surprenant: bien que je domine bien mieux le français que toute autre langue et, surtout, bien que je considère que cette langue est une composante capitale de mon identité, je me rends compte que lorsque je repense aux conversations que j'ai avec mes amis, je ne les classe pas selon que je les ai eues en français, anglais ou espagnol. Etrangement, mon cerveau ne retient la plupart du temps que les idées qui ont été échangées, sans que me reste ce qui constitue une langue, c'est-à-dire le vocabulaire spécifique utilisé, les tournures, l'accent. L'anglais va directement au but avec des mots-valises quand le français s'empêtre parfois dans des tournures compliquées? Qu'importe, c'est du pareil au même! L'espagnol possède deux verbes être et distingue le verbe avoir de l'auxiliaire du même nom? Sans importance! J'en viens presque à en vouloir à mon cerveau qui, en gagnant en agilité et en automatisant de nombreux processus linguistiques, à peut-être perdu un peu de sa capacité à jouir des différences langagières. Cela m'est d'autant plus flagrant quand il m'arrive de parler plusieurs langues avec la même personne: espagnol et français avec Violeta, Juan et les Français du bar; anglais et espagnol avec Álvaro, Fernando ou Marcela selon que Kal était présent ou non; et même les trois langues avec Thaïs, selon que nous étions seules, avec des Mexicains ou avec Kal. J'ai eu de nombreuses conversations avec tous ces gens, et dans la plupart des cas j'ai du mal à me souvenir dans quelle langue elles ont été conduites. Il y a encore un an, cette situation m'aurait fascinée; mais il faut croire que j'ai maintenant suffisamment gagné en flluidité aussi bien en espagnol qu'en anglais pour que ces deux langues s'intègrent à mon esprit et à mes souvenirs avec autant de naturel que le français. Pourtant, je suis et je resterai bel et bien francophone avant tout, et je prends chaque jour un peu mieux conscience des différences qui distinguent les français de l'espagnol, de même que je continue de dire à qui veut l'entendre que mon identité est en grande partie basée sur cette langue, ma langue, que je je suis fière de maîtriser à la perfection. Alors quoi, mon cerveau aurait-il cessé de tenir compte de la prééminence du français dans ma vie?? Dans l'hypothèse où je resterais vivre en Amérique latine, en viendrais-je à perdre mon aisance à m'exprimer dans ma propre langue, comme cela arrive fréquemment aux expatriés, coincés entre une langue qui n'est pas la leur et une autre qu'ils en viennent à oublier? J'espère bien que non, et je ferais tout pour éviter cela; car je suis persuadée qu'on peut parvenir à maîtriser parfaitement -ou presque- deux langues, voire même plus, sans que l'amélioration de l'une ne mette l'autre en péril. Evidemment, je suis encore loin de cette situation; en attendant, je profite simplement de savourer mes progrès en espagnol et en anglais et ma capacité à communiquer avec tant de gens sur cette planète.

lundi 16 février 2009

Vas-y, bébé, fais l'amour à la caméra!

Étude de lumières, ce matin, au cours de photo. Rien de palpitant à raconter, mais j'aime bien ces quelques clichés et puis bon, il faut bien que j'alimente ce blog pendant ma petite pause sédentaire.

Un type torse poil, ça me change un peu de la nana que je dessine quasi nue (quasi parce que bon, on est quand même au Mexique, faut pas déconner, elle garde sa culotte) chaque lundi en cours de dessin.


A droite Pepe, le prof.




Bon, là je n'ai toujours pas compris comment faire pour que le rouge sorte tout à fait rouge, sans cette tache jaune disgracieuse.


Et là c'est une série en rafale, alors que la lampe-auréole décrivait des cercles au-dessus de la tête du mec.

Je ne connais pas son nom, mais ce jeune homme est désormais connu largement au-delà d'Aguas, hi hi! Je précise que je lui ai quand même demandé l'autorisation de publier ces photos.

mercredi 11 février 2009

- La Suissesse et les Tortillas -


Il était une fois une jeune Suissesse exilée dans une lointaine contrée où l'eau jaillissait fort chaude. Alors qu'elle s'essayait, confortablement installée dans sa chambre située au sommet de la plus haute tour de son château, à chanter, de sa voix cristalline, quelques lais accompagnés d'un air de mandoline, la Suissesse vit soudain atterrir sur le rebord de sa fenêtre un gracieux volatile porteur d'un message lié à sa patte. "Ciel!", se dit-elle, transportée d'allégresse, "Ce sera une épître de mon cher ami le Mexicain!". En effet, il s'agissait bien d'une courte missive signée de la main du galant jeune homme. Elle disait ceci: "Gente dame, je me permets par la présente de vous faire la demande d'une grande faveur, en espérant que celle-ci ne vous coûtera point; pourriez-vous, s'il vous agrée, faire en sorte que je puisse souper, ce soir, de quelques unes de ces succulentes tortillas? Votre serviteur reconnaissant, le Mexicain."

La Suissesse était ravie de pouvoir, par une si minime faveur, être agréable à son ami qui, elle le savait, vivait de longues et éprouvantes journées sur les routes poussiéreuses du royaume, à pourfendre de sanguinaires dragons. "Je pourrais certes envoyer Rosita, ma servante, en quête de ces délicieuses petites choses, mais je préfère encore y aller moi-même, cela fera plaisir au Mexicain d'apprendre que j'ai veillé seule à la sélection de ses tortillas favorites!", se dit la Suissesse, enthousiaste.
C'est ainsi qu'on la vit, sortant de son château d'un pas délicat et mesuré, ses blanches mains protégées de l'ardent soleil par de fin gants de peau et son gracieux visage soigneusement ombragé par une mantille brodée. "Voyons voir", se dit la Suissesse, qui vivait depuis peu dans cette contrée étrange, "je me souviens que mon cher ami le Mexicain m'avait bien précisé, il y a quelques jours de cela, que les meilleures tortillas se procuraient non pas dans les petites épiceries dont la ville regorge, mais bien dans une tortillerie, magasin spécialisé dans la confection de ces merveilles culinaires. Ah! Oui", s'exclama-t-elle, "une de ces boutiques a justement l'heur d'être située dans les environs immédiats de ma demeure!" C'est ainsi que, quelques instants à peine après avoir quitté son logis, la Suissesse pénétra d'un pas assuré, un radieux sourire aux lèvres, dans l'antre du fabriquant de tortillas. "Je voudrais un kilo de tortillas de maïs, je vous prie", dit-elle de sa voix claire, et sans trébucher sur les syllabes hachées de la langue dans laquelle elle s'était habituée à s'exprimer quotidiennement. La Suissesse savait bien que, des deux espèces de tortillas, de blé (que l'on nommait "de farine") et au maïs, c'étaient ces dernières que préférait le Mexicain. Mais la jeune fille préposée à la vente lui répondit, d'une voix suffisamment forte pour couvrir le fracas des machines, qu'ils ne vendaient malheureusement pas de tortillas de maïs. Dieux du Ciel! Que faire? La Suissesse ne connaissait pas d'autre tortillerie, mais elle savait que le Mexicain serait très déçu s'il ne trouvait pas de tortillas sur la table du souper; en effet, son ami, comme l'immense majorité des gens de son espèces, ne pouvait, par un étrange caprice, envisager de souper quoi que ce soit sans ces merveilles culinaires plates. "Bien, donnez-moi donc un kilo de ce que vous avez", se résolut-elle à répondre à la damoiselle.

C'est fort préoccupée que la Suissesse rentra chez elle, son paquet de tortilla dans un coquet panier d'osier. Elle s'empressa de dépêcher un pigeon à son ami, afin de l'informer de la situation et de lui demander l'adresse d'une autre de ces fabriques de tortillas. Mais le pigeon, au lieu de rapporter à sa maîtresse une réponse qui l'eût soulagée, revint porteur d'une note témoignant de l'incrédulité du Mexicain: "Ma mie, où donc avez-vous dirigé vos pas? Êtes-vous bien certaine que c'est dans une tortillerie que vous êtes entrée?" L'oiseau repartit trouver le Mexicain, portant attaché à sa patte la réponse de la Suissesse: "Cher ami, c'est bel et bien dans une tortillerie que je suis entrée, précisément dans celle située près du château, et que vous m'aviez indiquée un jour que nous prenions l'air dans les environs de celui-ci!" Le pigeon revint finalement, exténué par tant d'allers-et-retours, porteur d'une courte note incrédule: "Très chère, je ne peux croire à la nouvelle que vous me rapportez. Enfin diantre, point de tortillas dans une tortillerie, c'est incensé!" Piquée, la Suissesse se contenta de répondre à son ami qu'il pouvait bien douter tout ce qu'il voulait, les tortillas qu'elle avait achetées n'en restaient pas moins faites de farine et non de maïs.


Quelques heures plus tard, le preux Mexicain revint au logis et pénétra affamé dans la cuisine, après avoir laissé Teofila, sa fidèle monture, à l'écurie. La journée avait été fructueuse et il ramenait une patte entière de dragon de la sierra, qu'il mourait d'envie de dévorer accompagnée de quelques bonnes tortillas. "Voyons donc, ma mie, ce que vous nous avez ramené de la tortillerie", dit-il en s'approchant du paquet qui contenait les précieuses galettes. "Oh! Mais il s'agit bel et bien de tortillas de maïs!", s'exclama-t-il, surpris et heureux, après avoir jeté un oeil aux tortillas. Confondue, la pauvre Suissesse jura que l'employée de la tortillerie lui avait pourtant catégoriquement signifié, dans un castillan très clair, qu'elle ne vendait pas de tortillas de maïs. Le Mexicain, tandis qu'il regardait mijoter sa patte de dragon, plongea dans une profonde réflexion. Il en sortit avec cette exclamation: "Ventre-Saint-Gris, je sais ce qui s'est passé!", et entreprit d'instruire la Suissesse, curieuse de connaître le fin mot de l'histoire. "Voyez-vous, ma chère, il faut que vous sachiez qu'outre les tortillas dites "de farine", confectionnée à base de blé, il existe non pas un, mais bien deux types distincts de tortillas de maïs. La grande majorité des tortilleries confectionnent des galettes à base d'une préparation de maïs blanc, celui que consommaient déjà les peuples indigènes il y a des siècles, et qu'ici nous nommons "elote"; mais l'on trouve parfois également des tortillas faites de ce que nous nommons "maïs", c'est-à-dire des grains jaunes de la plante que vous autres Européens et Américains avez pour coutume de consommer. Ainsi, la damoiselle préposée à la vente a pensé, lorsque vous lui avez réclamé des tortillas "de maïs", que vous vous référiez à cette deuxième sorte; la première, plus courante, se nomme en effet "de maseca" ". "Cependant", se risqua la Suissesse, quelque peu étourdie de tant d'information, "vous avez, mon cher, toujours fait référence à vos tortillas favorites en les nommant "de maïs"...pourquoi donc, si ce n'est point l'appellation correcte?" Le Mexicain, amusé de tant de naïveté, partit d'un rire franc et conclut ainsi: "C'est que, voyez-vous, ma mie, tout dépend du contexte dans lequel vous utilisez ces mots! Si vous vous trouvez dans une situation ordinaire, désirant par exemple savoir de quelle sorte de tortillas votre époux désire dîner, celui-ci se référera naturellement à des galettes de maïs, par opposition à celles de farine; mais si vous vous rendez dans une tortillerie, comme vous le fîtes tantôt, spécialisée dans les tortillas confectionnées à base d'elotes, et que vous réclamez du maïs, on va naturellement croire que vous souhaitez un produit fait spécifiquement de cette plante jaune. C'est ce qui vous est arrivé, et la jeune fille vous a vendu des tortillas de maseca, car elle n'aurait de toute façon pu vous vendre autre chose! Sachez en effet", dit-il pour conclure, "que les tortilleries, à moins que le contraire soit spécifié, sont toujours des tortilleries de maïs...ou maseca, si vous préférez." "Eh bien!", s'exclama la Suissesse, qui se sentait plus suissesse que jamais," si l'on apprend à connaître une contrée grâce à ses spécialités culinaires, il me semble que j'ai encore beaucoup à apprendre de ce pays des Eaux Chaudes; car il se peut en effet que celui-ci, tel une tortilla, cèle sous une apparence trompeusement simple, une complexité que l'on ne soupçonne pas au premier abord."

Suite à cette mésaventure riche d'enseignements, la Suissesse et le Mexicain vécurent heureux et mangèrent beaucoup de petites tortillas...de maïs.


lundi 9 février 2009

Guanajuato + San Miguel (again)

Je reviens d'un petit week-end fort sympathique passé dans l'état de Guanajuato, avec Carlos, l'un des deux frères qui m'avaient hébergée en octobre-novembre à Zacatecas. Nous sommes d'abord arrivés à Guanajuato, capitale de l'état, ville surtout connu pour son festival, le Cervantino, dont tout le monde me parle depuis mon arrivée au Mexique. "Oh, t'es pas allée au Cervantino? Tu sais pas ce que tu rates...", "Comment ça, tu n'as pas encore vu Guanajuato?! C'est super beau, il faut que tu ailles!", etc. Bon, le Cervantino ce ne sera pas pour cette année, mais au moins là maintenant je peux enfin dire que oui, je connais Guanajuato.

Carlos et moi avions prospecté une dizaine de jours à l'avance sur www.couchsurfing.com et envoyé plusieurs requêtes, mais soit on ne nous a pas répondu, soit les quelques hôtes présents sur le site étaient indisponibles; comme quoi le couchsurfing n'est pas la panacée absolue. J'ai donc relevé des adresses d'auberges de jeunesse, et c'est dans l'une d'elle que nous avons atterri, après avoir garé la voiture dans le centre-ville de Guanajuato. Et ma foi oui, la ville est belle, très belle, mais je m'attendais à quelque chose d'un peu différent de ce que je connaissais déjà; au lieu de quoi, j'ai découvert une ville construite en étages, pleine de petites ruelles étroites et pavées, sinuant entre de jolies maisons très colorées; en d'autres mots, un mélange de Zacatecas et de San Miguel de Allende. La seule chose qui, à mes yeux, différencie vraiment Guanajuato de ces deux villes est le phénoménal entrelac de rues souterraines. C'est par celles-ci que nous sommes entrés, et j'étais réellement stupéfiée; malheureusement, de nuit et en mouvement, il est difficile de prendre des photos de qualité (et bon, j'avais vraiment la flemme), du coup il vous faudra me croire sur parole. C'est en tout cas bien marrant de rouler sous terre dans des tunnels bâtis en pierre de taille. Plus loin, nous avons débouché à l'air libre, mais roulions toujours dans une rue qui semblait sinuer dans le fond de la ville, dominée par celle-ci, et j'ai alors trouvé à l'ensemble un joli air de Québec.

En vrac, quelques photos.


Ici, c'est un passage pour remonter depuis une rue souterraine.


Nous ne sommes qu'en février, mais il faut croire que le printemps arrive plus tôt au Mexique.









Nous sommes tombés en plein milieu d'une réunion de nostalgiques des bus VW...











La vue depuis la coline avoisinante. Vous remarquerez que, comme c'est généralement le cas au Mexique, hors de la ville c'est sec et désertique.



Ici, ma famille est très puissante: nous possédons même la police.



Bon, ça c'est chez moi à Aguas, donc rien à voir avec Guanajuato, mais j'avais envie de vous la poster parce que je la trouve mignonne.


Samedi, nous avons quitté Guanajuato en fin d'après-midi pour San Miguel de Allende, ville située dans le même état, et que j'avais déjà visitée en novembre.* Sur le chemin, nous nous sommes arrêtés à Dolores de Hidalgo, un petit bled quelconque ayant cependant la particularité d'avoir vu grandir Miguel Hidalgo y Costilla, et d'avoir entendu résonner son fameux cri d'indépendance. Comment, vous ne connaissez pas Miguel Hidalgo y Costilla?! Eh bien sachez que ce monsieur est considéré comme le plus important acteur de l'indépendance mexicaine. Voilà, c'est dit, on peut passer à la suite.

Nous sommes arrivés à San Miguel de nuit et avons tout de suite étés sous le charme. Carlos ne connaissait pas encore cette petite ville, et quant à moi j'en avais gardé un souvenir enchanté; nous n'avons pas été déçus. De nuit, le "jardin" est magnifique et plein de vie. C'est un grand carré surélevé, planté de jolis arbres et semé de nombreux bancs de délicat fer forgé, et au milieu duquel trône un kiosque à danse. L'endroit est toujours rempli de gens assis ou déambulant et de gamins courant dans tous les sens, mais il possède en outre un supplément d'âme durant les soirées du week-end, lorsque viennent y jouer les mariachis. Des orchestres de mariachis, il y en a dans tout le pays; mais jusqu'à maintenant, je n'en ai jamais vu autant qu'à San Miguel, et surtout réunis ainsi dans l'endroit le plus fréquenté de la ville. Ils me ravissent, avec leurs costumes et chapeaux extravagants! Et les chansons qu'ils chantent aux amoureux pour une quarantaine de pesos sont très belles. Carlos et moi (je précise qu'on n'est pas amoureux et qu'on n'a rien payé) avons ainsi eu droit à différentes variations sur le thème de l'amour éternel et enflammé, ainsi qu'une chanson très joyeuse qui a attiré une foule de danseurs. Et pour finir, une chanson archi connue, que tout le monde chantait en choeur: "Méééééxico, te llevaré en mi corazóóón", "Mexique, je t'emporterai dans mon coeur". "Il est quand même beau, mon pays", a murmuré Carlos, ému. ** "Oui, très beau...et d'ailleurs le mien aussi", que j'ai ajouté. Carlos a continué: "Cette ville est absolument magnifique, mais imagine-toi cette belle place, cette église de Walt Disney, ces belles pierres colorées...sans personne. Ça n'aurait rien à voir... Ce qui fait la beauté d'un pays, c'est quand même en grande partie ses habitants, son peuple" Je n'ai pu qu'approuver. Ici, et tout particulièrement à San Miguel, les gens sortent, discutent dans la rue, y chantent, y dansent, y rient, y vendent toutes sortes de choses; et en Suisse...? Alors oui, nous avons des lacs, des montagnes et des jolis chalets à revendre, mais comment sommes-nous? Y a-t-il une âme suisse? Bien sûr, vous me direz que chez nous on ne peut pas vraiment passer sa vie dans la rue, sous peine de finir rapidement congelé dix mois sur douze; mais je crois que ça va bien au-delà de ça. Comment sommes-nous? Joyeux? Ouverts? Généreux...? Je n'arrête pas de répéter à qui veut l'entendre que quant à moi je me sens bien plus Genevoise que Suisse, et que Genève est une ville internationale, ouverte et sympa... Mais est-ce bien vrai? Oui, mon pays est beau, oui, ma ville est belle et je l'aime de tout mon cœur; il n'empêche, je serais curieuse de savoir comment on nous perçoit de l'extérieur. Les gens se disent-ils "bon sang, je me verrais bien vivre ici, je m'y sens chez moi" quand ils passent quelques jours dans la Ville du bout du Lac? Ou se disent-il simplement que c'est joli?


Il y a beaucoup d'artisanat à San Miguel, surtout métallique.


Pourquoi mon dentiste à moi n'a-t-il pas une plaque semblable? Pourquoi tous les dentistes du monde n'ont-ils pas leur nom entouré d'ornementation?
Pourquoi des roues de bois ne sont-elles pas incrustées dans les murs de nos immeubles?

Bon, par contre je dois reconnaître que nous avons quand même un peu moins de mendiants à Genève.Je vous présente Catrina. Une Catrina, c'est une poupée-squelette, généralement représentée habillée d'un chapeau extravagant ou d'une robe de mariée. C'est une figure de la mort, symbole officiel de la fête du 2 novembre, mais on la retrouve une peu partout toute l'année. Or, je n'avais jusqu'à présent jamais rencontré de Catrina aussi sexy que celle-ci! Admirez donc le décolleté pigeonnant...

Définitivement, San Miguel m'a conquise. Je suis bien à Aguascalientes, et ne regrette pas une seconde d'avoir choisi d'y vivre plutôt qu'à San Miguel, mais cette dernière possède bel et bien un charme particulier, que je n'ai retrouvé nulle part ailleurs. C'est tout à fait le même style qu'à Guanajuato et à zacatecas, et d'ailleurs je vous défie de parvenir à différencier ces trois villes en vous basant sur les photos que j'ai publiées; et pourtant, il y a quelque chose de plus à San Miguel. Avec Carlos, nous nous sommes demandé ce que c'était et n'avons pas trouvé la réponse, et Álvaro, qui est en ce moment à côté de moi, me dit que pour lui Guanajuato était plus belle que San Miguel. Bon. Je ne sais pas, mais en tout cas j'y reviendrai.

Le seul point négatif de cette ville, c'est qu'elle est victime de son succès: un peu trop de touristes y déambulent à mon goût, pour la grande majorité des Américains d'âge mûr. A deux reprises, des vendeurs mexicains m'ont interpellée en anglais, et je dois dire que ça m'a fait un choc. J'en étais presque vexée! C'est qu'à force, j'en oublierais presque que tout en moi crie que je ne suis pas Mexicaine. A vivre dans une ville non-touristique, j'ai perdu l'habitude qu'on me considère comme appartenant à une espèce à part... C'est pourtant bel et bien le cas, même si je m'amusais, avec Carlos, à me moquer de tous ces touristes balbutiant un espagnol approximatif.


*Mais oui, souvenez-vous, c'est là que j'avais rencontré Kal et Diego et que j'avais passé une semaine magnifique, juste avant d'atterrir à Aguascalientes, où j'avais suivi Diego. Et soit dit en passant, Kal a quitté Aguascalientes il y a une semaine, il profite de son dernier mois de voyage avant de rentrer en Corée, où sa mère a besoin de lui et où il compte se refaire une santé financière. Et au cas-où ça vous intéresserait, nos relations sont au beau fixe, nous nous sommes revus souvent avant qu'il ne parte, et toute tension avait disparu entre nous. Happy end amical, donc, encore que ce ne soit pas vraiment une fin, puisque je compte bien le revoir un jour.

** Nan, en fait il n'était pas ému à ce point, et il devait parler assez fort pour que je l'entende par-dessus la musique, mais c'était pour faire plus littéraire... ;-)

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