mardi 16 février 2010

Le Mexique est le royaume du kitsch

Samedi en début d'après-midi, je rentre du travail au milieu du trafic habituel quand soudain débouchent devant moi deux magnifiques calèches tirées par deux non moins magnifiques chevaux. Ai-je la berlue? Non, elles sont bien là, racées, élégantes, ralentissant le flux de l'une des voies en direction du centre. Sur mon vaillant destrier à deux roues, je n'ai aucun mal à les dépasser, et j'en profite pour détailler l'apparition. J'aperçois d'abord la deuxième calèche, tirée par un cheval alezan, et dans laquelle sont assis cinq beaux jeunes hommes en costume noir. La calèche de tête est d'un blanc immaculé et tirée par un cheval à peine un peu plus beige; sur sa banquette est assise une svelte jeune fille en robe de princesse à bustier d'un rouge flamboyant, à la tête couverte d'anglaises impeccablement laquées, et cernée d'un diadème à la Cendrillon. Bien, l'affaire est entendue: c'est certainement une "quinceañera", une adolescente qui fête ses quinze ans en grande pompe.

Je ne suis pas sûre de l'origine de ce rituel, auquel se plie la quasi totalité des adolescentes de ce pays. A-t-il un rapport avec les "sweet sixteen" des juives américaines? Cette fête a-t-elle été importée des États-Unis, ou remonte-t-elle aux temps coloniaux? En tout cas il s'agit, semble-t-il, d'un reliquat de l'époque où toute jeune fille bien née se devait de faire son entrée officielle dans le monde. Un marché au bétail, en somme. Actuellement, on ne songe plus à choisir un mari à sa fille, mais la cérémonie conserve une connotation très forte. Dans les couches sociales les plus aisées, on a coutume de dire une messe en l'honneur de la jeune fille, qui est souvent habillée de blanc, comme pour un mariage ou une communion; la donzelle remercie ainsi son Créateur pour les quinze premières années de sa vie qu'elle vient de vivre. Elle ira ensuite sûrement se faire photographier sous tous les angles, comme celle que j'ai vue plus tarde ce même jour rejoindre sa limo blanche au sortir d'un studio photographique exhibant en devanture des photos tellement retouchées et kitsch que même à 13 ans, en pleine période girly, je les aurais trouvées too much. Et plus tard, place à la fête: la demoiselle, toujours en robe de princesse, invite ses amis à une espèce de bal de Cendrillon moderne, dans lequel la pantouffle de vair côtoie le petit sac Chanel sous l'oeil bienveillant des parents désignés comme chaperons. Alcool ou pas, il semblerait que cela dépende beaucoup du milieu social. Certains de mes amis m'ont raconté qu'ils avaient pris leurs premières cuites l'année de leurs 15 ans, lorsque chaque week-end ou presque était l'occasion de fêter l'anniversaire d'une copine de classe. Premiers pelotages, échanges de fluides divers avec diverses personnes... Le cauchemar pour les parents qui se veulent libéraux.



Au moment où je dépassais ce kitschissime convoi, nous passions justement devant une des nombreuses boutiques qui diffusent de la musique à plein tube. Cette fois-ci, c'était du gros reggaeton bien vulgaire, j'ai ri du contraste! Quelques mètres plus loin, des types en chapeau de cow-boys, une odeur de tacos trop gras et de la musique ranchera bien rustique; puis une papeterie remplie de ballons en forme de coeur et diffusant du Bryan Adams. Non, pas de doute, je vis bien au Mexique, là où tous les contrastes sont possibles.
J'ai finalement continué ma route, en jeans sur mon vélo un peu sale, les cheveux mal rangés sous mon casque, comme si je n'avais pas rencontré la Belle au Bois Dormant en plein quartier populaire d'Aguascalientes. Souhaitons-lui de ne pas se réveiller trop brutalement...

lundi 25 janvier 2010

Deux Autrichiens à vélo

Ce week-end, j'ai enfin pu héberger mes premiers couchsurfeurs! Depuis quelques mois, j'ai en effet modifié mon profil* sur le site du couchsurfing, et j'y ai indiqué que j'étais prête à héerger des voyageurs. J'ai d'ores et déjà reçu des demandes d'hénergement pour avril, lors de la feria de San Marcos, qui se passe à Aguascalientes et est un évènement d'importance nationale, mais je n'avais pas encore eu l'occasion de recevoir des gens dans ma propre maison; voilà qui est chose faite!

Manuela et Philip sont autrichiens, lui a 31 et est dentiste, elle a 26 ans et travaillait pour une compagnie internet. Ils se sont rencontrés, sont devenus amis, il lui a parlé de son projet de descendre tout le continent américain à vélo, de l'Alaska à la Terre de Feu, et elle l'a suivi, alors qu'elle n'avait aucune préparation physique. Il ne croyait pas qu'elle tiendrait mais, 7 mois et environ 14'000 km plus tard, ils forment désormais un couple et auront bientôt parcouru la moitié du chemin.

Les voici dans notre patio. Phil transporte 55 kg d'équipement: tente, camping-gaz, ustensiles de cuisine, gros appareil photo, tout le matériel nécessaire en cas de casse ou de crevaison, nourriture...



Samedi soir, ma coloc Marie, notre pote Damián et moi avons emmené nos Autrichiens dans un merendero où nous allons souvent. Un merendero, c'est un bar dans lequel les consommations coûtent un peu plus cher qu'ailleurs, mais où on vous sert des tonnes de trucs à grignoter: soya piquant avec des chips de maïs, petites pommes-de-terre à la sauce piquante, purée de haricots, peau de porc marinée et autres joyeusetés carnées que je n'ai évidemment pas goûtées. Plus on commande de bières, plus il y a de nourriture, et ça va jusqu'aux lasagnes et spaghettis. Marie et moi sommes connues du patron et, sans doute parce que nous sommes étrangères, nous avons toujours droit à des tournées gratuites de tequila et de cocktails divers et variés. Un bon plan, donc, et avec orchestre de musique mexicaine kitsch en live.


Manu et Phil ont beaucoup bu et se sont réveillés avec une légère gueule de bois dimanche matin, ils nous ont dit qu'en 7 mois, c'était la première fois qu'ils sortaient dans un bar, et surtout aussi tard. C'est sûr que pour pédaler parfois près de 150km par jour, il faut avoir la forme...

Marie et Damián, mes collègues à l'Alliance française et meilleurs amis à Aguascalientes.


Nos cyclistes ont décidé de rester une nuit de plus, histoire de laisser passer leur mal de crâne. J'ai donc eu le temps de leur poser plein de questions sur leur voyage et j'ai ravivé de vieilles envies. L'Amérique, du nord au sud, c'était également mon projet initial. Et le vélo, ma foi j'adore ça, et ça fait longtemps que j'ai envie de réitérer la petite traversée de la Suisse que j'avais faite en 2007... L'envie est là, le besoin de me lancer un défi également, et la peur de m'encroûter et de ne plus jamais avoir la possibilité de me lancer dans un projet aussi fou une fois que les années auront passé. Manquent juste trois choses: de l'argent (300 euros par mois aux US, selon Manu, et en campant), un partenaire de route (je ne vois que Sandra pour se lancer dans un tel projet avec moi, mais elle a un copain et un boulot) et maintenir le cap en suivant mon envie. J'ai donc le temps de voir venir, mais en tout cas ça fait trois jours que je ne pense qu'à ce voyage que je pourrais faire. On verra!

Pour vous donner envie, voici l'adresse du blog, en allemand, de Manu et Philip:
http://www.radausflug.org/


*http://www.couchsurfing.org/people/kumquat83/

samedi 16 janvier 2010

Il a neigé...

Oui oui, il a neigé dans l'état d'Aguascalientes! Bon, d'accord, la neige n'a finalement pas atteint la ville, elle s'est limité à la Sierra fría, la chaîne de montagnes basses qui s'étend à quelques kilomètres à l'ouest, mais quand même, ça faisait quinze ans que ça n'était pas arrivé!
Et moi, dans tout ça, je me lève tous les jours à 5h30 durant la semaine, pour être à l'Alliance à 7h; car oui, il y a un groupe de masochiste qui prend un cours chaque matin à cette heure-là, et c'est moi qui m'y colle jusqu'à avril. Et à 5h3o du matin, je vous prie de croire qu'il fait sacrément froid hors de mon lit, parce que la maison n'est pas chauffée! Chaque matin, quand le réveil sonne, je me dépêche tout d'abord d'allumer la lumière, histoire de ne pas me rendormir. Puis il faut trouver le courage de mettre un pied hors des couvertures....aaaargh! Une fois cette étape franchie, c'est en frissonnant des pieds à la tête que je descends à la cuisine pour me faire un thé et me réchauffer les mains au-dessus des flammes bleues de la cuisinière; et ce matin, je me suis même surprise à frotter mon nez contre ma tasse... Ensuite, retour au premier étage. Hors de question de se laver le visage, l'eau est glacée, et si on en veut de la chaude, il faut allumer le boiler. Le pipi matinal est difficile, tant la cuvette des troilettes est froide. Je prépare mes vêtements sur mon lit, que du simple et chaud, pas de fioritures, et là je me change le plus rapidement possible, toujours en tremblant. Au bout d'un moment, je finis par me réchauffer un peu. Je me fais une ou deux tortillas à la pâte de haricots, bien chaudes, évidemment, et je pars à 6h30 pour l'Alliance. Quand les gens apprennent que je me déplace à vélo, par ce froid et à cette heure, ils ouvrent des yeux ronds; mais c'est en réalité le seul moment de la matinée où j'ai à peu près chaud, étant donné que je pédale à toute vitesse; mais une fois arrivée à l'Alliance, je me refroidis à nouveau dans la grande salle gelée, exposée au nord.
Ensuite mon programme varie selon le jour de la semaine, mais en général je peux rentrer chez moi vers les midi et dormir quelques courtes heures, la deuxième partie de la nuit. Re-pyjama, boules quiès, masque sur les yeux. Si l'air de mon matelas gonflable n'était pas aussi froid, j'y serais totalement à l'aise; mais en attendant le redoux, c'est en position foetale que je suis obligée de dormir, faute d'avoir quelqu'un contre qui me blottir.
Avec tout ça, je ne compte plus le nombre de Mexicains qui m'ont déjà dit: "Ah, mais pour toi ce froid c'est rien du tout, tu es Suisse, il fait bien plus froid, là-bas, dans les montagnes!" Alors déjà moi je m'appelle pas Heidi, je suis pas trop habituée à garder les vaches et fabriquer mon propre fromage; et puis surtout, surtout, on a du chauffage, en Europe, merde!! Je n'ai jamais eu aussi froid que dans ce pays de malheur. Et le pire c'est que je sais déjà que je regretterai les 2 ° de ce matin dès avril, quand il faudra affronter les 35°.

Bon, sur ce j'ai les mains qui gèlent d'avoir trop écrit, je vais aller me réchauffer un bol de soupe.
Sans doute quelques photos de Genève bientôt.

Qui suis-je?

Ma photo
Genève, Genève, Switzerland