mardi 29 septembre 2009

Une nuit de photo à la hacienda

Ce samedi soir, j'ai suivi un ami, René, à la hacienda que possède un de ses amis, Tito, dans l'état voisin de Jalisco. Tito et René étant tous deux passionnés de photo, nous avons emmené nos appareils, un trépied et deux lampes puissantes, de celles qui se synchronisent avec l'appareil photo et permettent d'obtenir toutes sortes d'éclairages naturels. Nous sommes arrivés à la tombée du jour, et l'endroit m'a tout de suite plu. La famille de Tito possédait jadis tout le village de Los Sauces; mais lorsque le gouvernement décida de répartir les terres de manière plus équitable, entre les gens qui la travaillaient, les parents de Tito furent chassés du village et s'en furent vivre à Aguascalientes. La famille ne possède désormais plus que cette vieille hacienda du milieu du XIXè siècle, et seules les chauves-souris l'habitent encore, et accueillent les visiteurs en tourbillonnant au-dessus de leurs têtes, dans la forte odeur de leurs guanos. Des peintures pieuses s'étalent sur les murs extérieurs, un peu pâlies et écaillées, d'une douceur captivante. Nous avons déballé le matériel, et au travail! J'ai pu prendre quelques photos, mais on m'a surtout demandé de poser, à l'extérieur, sur la terrasse.

Tito, à gauche, et René, installant le matos.







Ni la surexposition, ni mon geste n'était voulu, mais avouez que cette photo est superbe. Illuminée par la lumière divine, désignant la croix!Nous avons ensuite fouillé dans les armoires de la mère de Tito et trouvé cette vieille robe rouge, et c'était parti: "Joue avec tes cheveux", "La bouche plus sensuelle, s'il te plaît", "Tu pourrais danser? Et sauter", etc. Le résultat nous plaît, le contraste entre le rouge et le bleu, entre le fauteuil style années septante et le décor du XIXème...et cette lumière splendide.

Là je sautais, mais ne dirait-on pas que je me fais aspirer vers le haut?


J'ai quand même pu prendre deux-trois photos...

A l'intérieur, ensuite, et sans éclairage artificiel, simplement avec le trépied.

Cette horloge m'a fascinée. Sur cette photo, j'ai quatre bras, mais elle est un peu sombre.
J'ai demandé à Tito de passer ma robe rouge, et je l'ai fait poser sous l'horloge. Bizarre, le résultat, non?
Nous sommes ensuite passés à la salle-de-bain, cracra mais très belle à sa manière, et là ce sont mes idées que nous avons mis en oeuvre, tous les trois; malheureusement, la décence m'empêche de publierle résultat de cette séance, étant donné que nous nous sommes tous trois partiellement dénudés, en tout bien tout honneur. Dommage, ces photos sont les meilleures!
Voici juste les préparatifs.

Finalement, nous avons encore voulu immortaliser la cour intérieur et ses couleurs magnifiques.



Et enfin, voici les clés de la hacienda.Nous sommes finalement rentrés à 3h du matin, très satisfaits de cette nuit photgraphique, et la tête bouillonnant encore d'idées. Et il faudrait amener plus de gens, et puis du maquillage, et des fringues, et des chaussures à talons...pis on pourrait faire prendre des photos dans le jardin, pis faire ça, et ça, et ça... Il est donc probable que nous retournions à la hacienda ce samedi. A suivre!

dimanche 13 septembre 2009

"A dónde vas, güerita?"

J'étais presque arrivée à l'Alliance, encore dix petites minutes de vélo, et à vrai dire j'en avais un peu marre, je voulais arriver. J'avais déjà une bonne demi-heure dans les jambes, la sueur collait mon sac à mon dos, le soleil me forçait à plisser mes pâles prunelles (toujours la flemme de partir à la recherche d'une paire de lunette de soleil bon marché et pas trop moche) et mon iPod m'envoyait des grésillements dans l'oreille droite. Mais bon, la musique était bonne, mon humeur aussi, et j'étais perdue dans des pensées plutôt agréables. J'étais arrêtée à un feu rouge, hésitant entre la voix de velour de Norah Jones et celle de petit elfe de Sophie Zelmani quand j'ai vu, du coin de l'oeil, un cycliste s'arrêter à ma gauche. Du coin de l'oeil toujours, j'ai remarqué qu'il tournait son visage vers moi et que sa bouche remuait. Et merde. L'espace d'une fraction de seconde, j'ai très sérieusement envisagé l'idée de continuer à regarder devant moi et de faire la sourde-aveugle-distraite... Mais mon cerveau a très rapidementc calculé que cette attidude serait immanquablement qualifiée de foutage de gueule, ou plutôt de foutajo de gueula, en mexicain. Comme mes parents ne m'ont pas éduquée comme ça et que je garde encore un tant soit peu d'affection pour mes semblables humains, j'ai, de mauvaise grâce, certes, enlevé mes écouteurs, me suis tournée vers l'homme en question et lui ai demandé d'un ton assez moyennement affable de bien vouloir répéter ce qu'il venait de dire. Et ce fut "a dónde vas, güerita?", ce qui équivaut à peu près à "où tu vas, blondinette?". Güera ou güerita, on m'interpelle constamment par ces sobriquets au Mexique, et cela fait bien longtemps que j'ai appris à ne pas m'en offenser: je sais que les Mexicains ne songent pas à me dégrader, et par ailleurs le tutoiement est tout à fait commun ici. Le type, un petit homme approchant de la quarantaine à la peau très basanée et aux yeux d'une bizarre couleur miel, était souriant et curieux, et je m'en suis tout de suite voulu de ma réponse froide: un soupir, et puis: "Pourquoi?". Cette réponse, elle n'était pourtant pas aussi froide que celle que j'avais en tête et que je me suis retenue de lui sortir: "Ecoute, ça te regarde pas et tu m'emmerdes, là." Avec un "pourquoi?", on fait nettement comprendre à son interlocuteur que sa question est impertinente, et ça permet en outre d'éviter de répondre directement. Le mien, d'interlocuteur, a bien saisi la nuance et son sourire a un peu diminué, mais il n'a pas lâché le morceau pour autant. "Oh comme ça. Tu es une cycliste?".A ce stade, j'étais franchement agacée et j'ai secoué la tête: "Hein? Comment ça, une cycliste? Ben je vais juste...où je vais...à vélo, quoi!"- "Oh, alors c'est juste par hobby?", qu'il m'a encore répondu. Bon sang, et ce feu rouge qui ne passait pas au vert. "Euh ouais, voilà", ai-je laconiquement répondu, regardant hostensiblement vers l'avant pour tenter de communiquer corporellement ce que je n'osais pas lui dire avec des mots: tu me fais chier. Mais ayant, je suppose, vu mes yeux clairs et remarqué un je-ne-sais-quoi de non mexicain dans mon attitude et mon accent (damn!), mon gugus a tenté un: "dou you esepike ineglich?" très vexant, auquel j'ai répondu par un franchement exaspéré et purement mexicain "Hé güey (mec), pourquoi tu me parles anglais, là?!". Là son sourire a tout à fait disparu, et c'est très humblement que ce petit mec sur son petit vélo m'a dit qu'il pensait que j'étais peut-être gringa (américaine) et qu'il s'excusait de m'avoir dérangée, en passant tout à coup au vouvoiement. Remors, malaise. Je me suis sentie honteuse de mon attitude envers lui. Je nous ai vus de l'extérieur, tous les deux: chacun sur son vélo, certes; mais lui le petit ouvrier mexicain pauvre (au Mexique on ne va pas travailler à vélo par plaisir, mais parce qu'on n'a pas l'argent pour s'acheter une voiture) et moi l'Européenne avec son casque et son iPod. Rien à voir. Malgré les apparences, lui et moi, deux cyclistes, appartenions à deux mondes différents et incompatibles. J'ai compris que lui aussi l'avait compris, et qu'il s'était sûrement mépris sur mon attitude, croyant sans doute que je le méprisais, me plaçais au-dessus de lui; et le pire c'est qu'il acceptait et reconnaissait peut-être plus ou moins consciemment cette supériorité supposée: les Mexicains ont en effet tendance à se rabaisser constamment face à l'étranger, et leur conscience des castes et de leur place dans la société est très forte. Seulement voilà, moi je ne méprisais pas cet homme malgré les différences criantes qui nous séparaient; non, moi je voulais seulement qu'on me foute la paix. Il me semble qu'en Suisse, nous sommes beaucoup moins invasifs: en général, on cherche à ne pas déranger les autres. Même si j'éprouvais tout à coup une grande curiosité à l'égard de quelqu'un, il ne me viendrait pas à l'idée de lui parler en pleine rue, et, surtout, je n'insisterais pas si je notais une réaction ennuyée. Chacun est dans sa bulle, je respecte ça. Est-ce la bonne attitude, pourtant? Je passe sans doute à côté de plein de rencontres en me fermant ainsi...mais c'est comme ça que je suis et je crois que cette croûte suisse restera, ce besoin de me fermer aux autres parfois. Est-ce propre aux Suisses? Aux Européens? Ma nouvelle collègue française, Marie, m'a dit que selon elle, en France les gens avaient tout aussi tendance à l'envahissement qu'ici. Vous en pensez quoi?

Qui suis-je?

Ma photo
Genève, Genève, Switzerland