Aujourd'hui je n'ai ni belles photos, ni récit haletant, ni profondes réflexions philosophiques à vous offrir... Non non, rien que quelques petites anecdotes sur ma vie hidrocalidienne qui se met gentiment en place, qui vous intéresseront peut-être si vous êtes insomniaque, que vous vous ennuyez au boulot ou que vous êtes ma mère.
Allons-y par ordre chronologique, si vous le voulez bien. Tout d'abord, je dois vous annoncer une nouvelle extraordinaire: j'ai maintenant un vélo! Mais oui, vous savez, un de ces fantastiques bidules à deux roues qui vous rendent tout joyeux quand vous les enfourchez! Je songeais depuis un petit moment à m'en acheter un, pourri, d'occasion; en effet, ici je ne comprends absolument rien au fonctionnement des bus, dont les trajets ne sont indiqués nulle part, et dont les arrêts ne portent pas de nom. Je savais dès le début que je me perdrais dans cette ville, étant donné que c'est définitivement ce que je sais faire de mieux dans cette vie-ci, y compris à Genève; je me suis donc dit que quitte à me perdre, je préférais le faire toute seule comme une grande avec mon plan de la ville et un vélo entre les jambes, que d'un bus à l'autre en emmerdant à chaque fois le chauffeur pour savoir où je dois descendre. Je suis donc partie, par une belle fin d'après-midi chaude et ensoleillée (facile, ici il fait toujours beau et chaud! :-p) en quête des magasins de vélos qu'Álvaro avait symbolisés par de petites croix sur mon grand et beau plan tout neuf. Arrivée au plus grand d'entre eux, j'ai demandé, avec mon plus beau sourire, s'ils n'avaient pas par hasard de vieux clous à vendre pour moins de 500 pesos...mais malheureusement non, ils n'avaient que de beaux vélos flambants neufs et trop chers pour ma bourse. Bon, la conversation s'est quand même engagée avec le patron, un court sur pattes d'une soixantaine d'années: "Tu es d'où? On parle quelle langue en Suisse? Tu vas rester combien de temps? Tu as déjà visité quels endroits au Mexique?" Je ne sais pas s'il a été flatté que je choisisse sa chère ville pour y vivre quelques temps, ou s'il apprécie juste les jeunes étrangères qui le dépassent d'une tête, mais en tout cas le type s'est décidé, en moins de trois minutes, à me prêter un vélo, comme ça, pour rien, et autant de temps que j'en aurais besoin. "Laisse-moi juste récupérer un grand rouge que j'ai prêté à quelqu'un, viens demain et il sera à toi." Voilà, aussi simple que ça! Et attention, c'est pas de la merde, son vélo, il s'est pas foutu de moi, le bonhomme! Alors certes, les Mexicains sont généreux et spontanément enclins à aider les autres, mais la question reste ouverte: ce cher monsieur m'aurait-il prété son vélo si j'avais été un homme, et Mexicain...? Octavio, mon hôte de San Luis Potosí, aurait sans doute ricanné en me signalant qu'il s'agit là d'un parfait exemple de malinchisme, cette tendance qu'ont beaucoup de Mexicains à donner la préférence à tout ce qui est fascinnemment étranger. Possible; en attendant, ça n'est pas moi qui vais m'en plaindre, et j'ai au moins essayé de combler la curiosité de mon généreux prestataire en lui racontant toutes sortes de choses sur mon pays et ma vie, tout en n'omettant pas de mentionner qu'Aguascalientes et les Mexicains m'enchantaient. Et depuis quelques jours, je suis la fière dépositaire d'une bicyclette qui me fait super mal aux fesses et dont le guidon est trop bas, ce qui me donne l'allure d'une coureuse cycliste. M'en fous, je m'éclate. Depuis le temps, j'avais oublié à quel point j'aimais faire du vélo. Bon, le problème c'est qu'ici absolument rien n'est aménagé pour les vélos, qui sont d'ailleurs peu nombreux; je dois donc faire doublement attention. Oh, et d'ailleurs je n'ai pas acheté de casque, ici absolument personne n'en porte... Qu'importe, il faudra que j'y remédie. Je me suis également fait klaxonner une ou deux fois parce que je n'ai pas encore compris toutes les subtilités du code de la route mexicain; il semblerait par exemple que, sous certaines conditions, les voitures puissent tourner lorsqu'un feu est rouge (comme aux States, ça doit rappeler quelque chose à Rodrigo!). Et puis les bus n'ont pas d'endroit vraiment spécifique pour s'arrêter, du coup ils m'emmerdent royalement lorsqu'ils s'immobilisent soudain au milieu de la route, juste devant moi. Mais tous ces inconvénients ne m'empêcheront pas de prendre mon pied à vélo, avec dans le sac mon plan d'Aguascalientes, dûment annoté: 1) la maison; 2) la maison de Pamela; 3) la maison de Fernando; 4) le grand supermarché; 5) le parc où Álvaro et moi allons courir; 6) l'université; 7) la Casa de la Cultura; etc.
Poursuivons par un peu de vie nocture, avec le récit de la palpitante sortie en boîte de nuit que j'ai vécue samedi soir. Une amie, Alejandra, m'avait proposé de la rejoindre dans une boîte de la périphérie; comme mon brand new vélo n'a toujours pas de lumière et que je ne suis pas vraiment d'humeur suicidaire, j'ai décidé qu'il serait plus sage de simplement lever la main pour attrapper un taxi dans la rue, malgré le fait que je déteste ce moyen de transport de bourges et qui pollue. Arrivé sur les lieux en question 3 CHF plus tard, j'ai fait s'étouffer de rire le chauffeur en lui disant que merde, l'endroit avait l'air bien "fresón", c'est à dire "bourge"; redoublement d'éclats de rires quand un type est carrément venu m'ouvrir la portière. Je suppose que le taxiste devait penser qu'une étrangère aux yeux clairs, prenant un taxi pour elle toute seule et habillée classe devait forcément fréquenter régulièrement ce genre d'endroit... Arrivée sur place j'ai pu constater que oui, vu le prix de l'entrée (5CHF sans consommation), le lieu était en effet plutôt chic, mais heureusement pas trop pour mon t-shirt arborant une sorte de smiley qui tire la langue. J'ai vite retrouvé mes copines sous une espèce d'anus de soie rose (!), et ai fait la connaissance des trois collègues japonais d'Alejandra, qui travaille chez Nissan (ils ont une succursale énorme ici). j'ai particulièrement sympathisé avec Noriko, une jeune fille (oui, pas évident de le deviner rien qu'au nom) qui vit à Aguascalientes depuis 9 mois, et ai pu constater que oui, une Japonaise, ça peut parler un très bon espagnol. J'adore ce genre d'expérience! Bon sang, nous nous comprenions parfaitement, utilisions les mêmes expressions typiquement mexicaines, faisions référence aux mêmes lieux et aux mêmes activités, alors qu'aucune de nous n'est née sur ce continent et que nous ne partageons absolument pas la même culture. C'est magique, les langues! (Ouais, bon, j'avais dit que je n'avais aucune réflexion profondément philosophique à écrire aujourd'hui, mais accordez-moi au moins celle-ci!)
Au fil de la soirée, j'ai pu constater que dans les boîtes de nuits mexicaine, ou tout du moins dans celle-ci, la musique que les DJ passent est à 80% hispanophone, et même mexicaine. J'ai également pu me rendre compte que tout le monde, y compris les trois Japonais, connaissait les paroles par cœur....me suis d'ailleurs sentie un peu con, la seule de la boîte à ne pas chanter. Expérience intéressante, en tout cas, mais un peu déroutante: comme si, chez nous, le quart d'heure Claude François, Louise Attaque et autre Indochine se prolongeait toute la soirée... (Oh, et d'ailleurs, tant qu'on en est à parler musique française, il paraît qu'Alizée est très populaire ici, tout le monde connaît "Moi Lolita", même s'ils ne comprennent absolument rien à toutes les allusions sexuelles de la chanson.)
Au retour, j'ai finalement trouvé un taxi après avoir marché un bout et m'être juré d'installer aussi vite que possible une lampe à mon vélo, et là j'ai enfin osé braver les conventions: je me suis installée à l'avant, à côté du chauffeur. Oui, je sais, ça ne fait pas trop, et je ne suis pas spécialement à l'aise à côté d'un inconnu, avec un rosaire ou un christ sanguinolent pendouillant dans mon champ de vision, mais il faut dire qu'à l'arrière des taxis, il n'y a JAMAIS de ceinture de sécurité. Alors merde, je ne vois pas pourquoi je jouerais avec ma vie sous prétexte qu'ici personne ne porte la ceinture à l'arrière, et bla bla bla. Les coutumes locales ont leurs limites.
Bon, et sinon mes diverses activités se mettent gentiment en place, et je m'emmerde moins. Je n'ai toujours pas d'élèves pour le français, parce que je n'ai toujours pas placardé d'annonce; mais je vais m'y atteler dès demain, et Fer m'a passé deux méthodes d'enseignement dont je vais pouvoir m'inspirer.
J'ai d'ores et déjà commencé les cours de dessin auxquels je me suis inscrite trois fois par semaine, et mon prof est très sympa et a complimenté ma manière de dessiner; de quoi me donner envie de continuer. Concernant la photo, tout se passe beaucoup mieux que je le craignais. En novembre, quand j'ai décidé de venir vivre ici quelques mois, j'avais dans l'idée de m'inscrire à deux cours différents, histoire de progresser rapidement; or, j'ai découvert il y a quelques jours qu'il s'agissait dans les deux cas d'un enseignement destiné aux détenteurs d'appareils argentiques, avec développement en labo et tout le tintouin. Merde alors, moi j'ai un appareil numérique... J'étais déjà à moitié désespérée quand Álvaro m'a trouvé des cours pour appareil numérique à l'université le samedi matin. Bien! Je comptais m'y inscrire, ai pédalé jusqu'à là-bas et me suis perdu entre les différents bâtiments, pour enfin constater que le bureau s'occupant des cours était déjà fermé. Heureusement, en fait; parce que quelques heures plus tard, j'ai fait la connaissance de Pepe, un ami d'Álvaro qui tiens, va justement commencer à donner des cours de photo ce lundi! Quand il m'a demandé si j'étais matinale, j'ai fait la grimace: ses cours commencent à 7h du matin. Mais quand il a ajouté que grâce à une magouille je pourrais assister aux cours (faisant partie d'un cursus universitaire) de manière totalement gratuite et qu'en plus lui-même viendrait me chercher en voiture à 6h45 tous les lundis...ma foi j'ai dit oui sans hésiter! Après avoir vu les photos que j'ai fait développer, Pepe s'est montré assez admiratif, m'a dit que je transmettais beaucoup d'émotion et qu'il craignait que le cours ne soit en-dessous de mon niveau. J'ai dû le détromper: ma composition est bonne, oui, mais niveau lumière et réglages de l'appareil, c'est juste parce que mon matériel fait tout le boulot que je réussis mes photos, et de loin pas toutes! Je suis donc persuadée que ces cours me seront utiles, et me réjouis d'avoir une note pour chaque travail, comme les autres étudiants, afin de pouvoir réellement savoir où je me situe.
J'ai appris un peu plus loin dans la conversation que Pepe faisait aussi du théâtre; quand j'ai mentionné mon passé (assez peu glorieux, il faut bien le dire) d'improvisatrice, il m'a proposé de l'aider à encadrer, de temps en temps, un groupe d'adolescent à qui il donne justement des cours d'impro. J'ai évidemment accepté avec plaisir, parce que j'ai envie de rencontrer des gens et que les adolescents m'intéressent (même si j'ai souvent eu envie d'étrangler mes élèves du cycle d'orientation), et parce que je sens déjà, après seulement une heure de conversation, que Pepe va devenir un de mes bons amis, un de ceux que je regretterai lorsqu'il me faudra mettre les voiles*...un jour.
Pour en revenir à la photo, il se trouve que j'aurai également l'opportunité de suivre les fameux cours de photo argentique auxquels je pensais ne pas pouvoir participer; en effet, alors que j'expliquais ma situation à Cristina, une amie d'Álvaro (que ferais-je sans lui, vraiment!), celle-ci m'a spontanément proposé de me prêter son appareil argentique autant de temps que j'en aurais besoin. Bon, l'exposimètre de l'appareil - le bidule qui sert à mesurer la lumière - est foutu, et je vais arriver au milieu d'un cours qui a déjà commencé, donc ça risque d'être un peu folklo...mais j'aurais été vraiment conne de refuser une telle opportunité!
Voilà, c'est tout pour le moment! Il y a seulement une semaine, j'avais, je l'avoue, quelques doutes concernant ma décision de venir vivre ici: certes, la ville et les gens me plaisaient toujours autant, mais mes amis avaient désormais moins de temps à me consacrer puisqu'ils avaient repris le travail, et je voyais avec une certaine crainte mes projets de photo et de français prendre l'eau*. Mais là il semblerait que le vent ait vraiment tourné en ma faveur* depuis quelques jours: on me prête un vélo et un appareil photo, on m'offre des cours gratuits, je me fais des amis et élargis mon réseau... que demander de plus, franchement?? Ah oui, que je trouve des élèves de français, parce que j'ai vraiment envie de travailler et de gagner mon propre argent au lieu de dilapider celui que mon père avait mis une vie à amasser. Ça ne devrait pas être trop difficile, justement parce que je suis en train d'élargir le cercle de mes connaissances, qui vont me faire de la pub.
Y a pas à dire, je suis vraiment une fille vernie, et l'eau chaude de cette ville-là est décidément pleine de bonnes ondes à mon égard*.
*Admirez-moi cette belle métaphore filée (quatre occurrences, aux quatre astérisques) sur le thème de la navigation et de l'eau, si c'est pas joli, ça, Messieurs-dames! ^^
mardi 13 janvier 2009
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7 commentaires:
J'ai bien aimé cet article.
Sinon, pas de commentaire à faire...
Cool, quoi !
Oui je sais, il sert à rien mon commentaire, mais je culpabilise de jamais en laisser.
Hahaha, t'as bien fait! Merci du compliment. Moi aussi, je l'aime bien, mon article!
Ton optimisme est contagieux!
:-) !
je ne suis ni insomniaque, je bosse quasi plus (donc je ne peux plus m'ennuyer au boulot !) et ne suis pas ta mère, mais j'ai tout lu, si, si !!
Et j'ai aussi bien aimé ton article ;-) !
J'ai surtout bien aimé de voir ton optimisme remonter en flèche, tes fourmillements de projets et je suis très contente pour toi !
Enjoy !
Je suis aussi content de voir que tout s'arrange au fur et a mesure. Juste un peu de patience.
Allez moi c est deja vendredi soir et c'est jour de sortie ;-)
bises
rodrigo
Je suis d'accord avec les commentaires ci-dessus.
Bonne continuation.
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