J'ai eu droit ce matin (tôt, trèèès tôt) à mon tout premier cours de photo avec Pepe, à l'université Concordia. Il m'avait prévenue que je risquais de m'ennuyer parce que j'ai déjà un certain niveau, mais je me suis au contraire bien marrée. Il faut en effet savoir que Pepe, qui a une solide formation théâtrale, est un de ces rares profs qui réussissent à captiver une classe par l'humour tout en transmettant leur savoir avec passion. Le cours auquel j'ai assisté était le premier pour ces étudiants tout frais; apparemment, la rentrée universitaire a lieu ici en hiver. La plupart des étudiants avaient choisi de passer une ou plusieurs années sabbatiques après la "prépa", mais ils m'ont tout de même paru très, très jeunes; ils ont en effet tous entre 18 et 20 ans, avec une pointe jusqu'à 23 pour certains, et surtout s'habillent et se comportent comme des élèves de secondaire postobligatoire. Le ton qu'a utilisé Pepe pour s'adresser à eux m'a également semblé plus adapté à une classe de collégiens (ou gymnasiens, pour les non-genevois), de même que les règles qu'il a fallu leur énoncer: pas de natel allumé en classe sinon c'est dehors, pas plus de trois absences dans le "quadrimestre", on lève la main si on veut sortir de la classe. Question de culture, m'a dit M. le professeur lorsque je m'en suis étonnée auprès de lui: je suppose qu'ici où l'immense majorité des jeunes vivent chez leurs parents jusqu'à très tard et leur demandent souvent encore la permission de sortir bien après 20 ans, il est normal que les professeurs maternent les étudiants plus que chez nous.
En bon connaisseur des relations humaines, Pepe a demandé aux étudiants (bon sang, j'ai toujours envie d'écrire "élèves" tellement ils sont jeunes!) de se grouper par deux, d'écouter chacun le récit de l'autre, puis de présenter son "camarade" au reste de la classe en une minute. J'ai eu de la chance, je suis tombée sur un type sympa et intéressant, mais bon sang, la grande majorité de la classe a sorti des trucs comme: "Alors elle c'est Eiffel (sic!!), elle a 18 ans, elle a deux frères, elle aime beaucoup la musique psycho (ils sont tous fans de ce style de musique, faudra qu'on m'explique ce que c'est) et aller en boîte, et elle est célibataire, hu hu hu!" J'exagère à peine. Pepe m'a expliqué par la suite que ce type d'exercice lui paraissait intéressant dans la mesure où il en apprend ainsi beaucoup sur ses étudiants rien qu'en observant ce qu'ils retiennent de leur voisin et ce qu'ils choisissent de donner comme information à la classe. C'est sûr, je faisais un peu tache au milieu du groupe: à mon voisin, je n'ai parlé ni de mes goûts musicaux (mais c'est quoi, la psycho, bon sang??), ni de ce que je fais de mes samedis soirs (en l'occurence: pas grand chose)...
Nous sommes ensuite entrés dans le vif du sujet: contre-plongée, over the shoulder et plan hollandais n'ont plus de secret pour moi, et j'ai appris que je devais impérativement respecter la règle des trois tiers et celle des articulations (c'es-à-dire: placer les points d'attention aux intersections des tiers et de jamais couper un personnage au niveau des articulations) sous peine de recevoir une mauvaise note. Très scolaire, mais j'apprécie d'avoir des règles claires à suivre. Et j'ai également reçu des devoirs pour la semaine prochaine! Je n'arrive plus à me souvenir quand ça m'est arrivé pour la dernière fois... Je vous en dirai et montrerai plus quand ce sera fait.
Je suis sortie de ce cours très contente d'avoir passé un bon moment (bon sang, le prof est monté sur son bureau et nous a demandé de faire pareil, ça vous est déjà arrivé, à vous, à l'uni?!) et d'avoir commencé à apprendre quelque chose, mais avec l'impression qu'en effet, c'est pour le moment un peu en dessous de mon niveau. Cela tient, selon Pepe et selon moi, à deux raisons. Déjà, je commence à avoir un peu de pratique dans la photo, et ces mois de voyage m'ont entraînée, malgré moi, à la composition de l'image: j'ai ainsi déjà une certaine connaissance empirique et intuitive, même si mes idées sur le sujet ne sont ni très claires, ni très organisées. Ensuite, et c'est peut-être le point le plus important, je suis plus âgée que ces élèves...euh...étudiants, et je possède déjà une licence universitaire, qui plus est en lettres; cela implique que je suis théoriquement déjà rompue à l'analyse de toutes sortes d'informations, que je sais rassembler des idées et les synthétiser, et m'exprimer de manière claire et précise. Or, ce qui s'applique à l'écrit peut sans doute, dans une certaine mesure, s'appliquer au langage visuel. O, Ciel! Cela signifierait-il que j'ai en effet retiré quelque chose de mes six années d'université, et que je n'ai pas totalement volé ma licence??
Dans la voiture, au retour, Pepe et moi avons discuté pédagogie et rentrée scolaire comme deux collègues le feraient: unetelle, très superficielle; untel, on voit qu'il va faire le clown toute l'année. "Ils se connaissent à peine, mais ce week-end ils se seront déjà pris une cuite tous ensemble, et à la fin du quadrimestre chacun aura échangé sa salive avec la moitié des personnes de l'autre sexe...", a en outre souri Pepe. Il a ajouté que cela se passait toujours ainsi et qu'il l'avait observé dans tous les groupes de jeunes. Ah bon? Eh ben moi je ne me suis jamais bourrée la gueule avec les gens de l'uni, et j'ai échangé ma salive avec...voyons voir...zéro personne de ma classe en lettres (d'ailleurs nous on n'avait pas de classe fixe, ça aide pas). Je ne dois pas être très normale. J'ai sûrement manqué quelque chose, mais maintenant c'est trop tard, la sagesse et la maturité m'ont rattrapée! ;-))
Quoi qu'il en soit, je sens que je vais assimiler autant de technique pédagogique que photographique. Certes, Pepe enseigne à l'uni, alors que je me destine - encore que de manière très incertaine - à l'enseignement au cycle d'orientation: le public n'est évidemment pas le même. Je pense cependant que j'ai beaucoup à retirer de l'observation de l'attitude de Pepe, de ses intonations, de la façon qu'il a de mettre à l'aise les étudiants tout en les incitant à l'écouter. Et il me fait rêver: bon sang, prof de photo, ça c'est un job de rêve... Un jour, peut-être, qui sait.
Voici une photo que j'ai prise pendant le cours. On n'y voit pas la tête du prof, mais admirez les beaux dessins! Ceux-ci ont servi à illustrer le fait qu'il y a actuellement une norme de beauté fixe dictée par les médias, alors que les gens normaux ne ressemblent de loin pas à ces caricatures; pourtant, même un homme bedonnant se doit de porter une chemise propre et de la rentrer dans son pantalon s'il veut être pris au sérieux. En esthétique, messieurs-dames, c'est pareil: certaines règles sont faites pour être brisées, mais d'autres se doivent d'être respectées malgré tout, telle celle des tiers.
Bon et sinon voici une petite série de photos de "ma" ville et des gens qui y vivent.
"Mais qu'est-ce qu'elle fout?? Oh, encore en train de prendre des photos de tout et n'importe quoi pendant que je poireaute...pffff..."
Ces masques sont des masques de lutteurs. La lutte est un sport très prisé au Mexique, et certains lutteurs sont de véritables stars. Leurs masques, personnalisés, sont peu chers et très prisés des enfants comme des adultes.
Une animalerie, pleine de bestioles entassées les unes sur les autres...
Pour ces deux photos, je me suis amusée à changer la profondeur de champ, en faisant le point sur deux sujets différents... Mais la deuxième est malheureusement mal cadrée.
"Attends-moouuaaaa, je prends vite en photo les piments!"
Bon, et sinon je commence un peu à flipper parce que les élèves de français ne se bousculent pas au portillon malgré le nombre incroyable d'annonce que je colle et recolle chaque jour sur tous les poteaux du centre-ville. Mais je m'en fiche, parce que la cuisson des tortillas n'a plus aucun secret pour moi (à feu doux pour celle de farine, feu plus fort pour celles de maïs), que je sais différencier celles qui sont faites artisanalement des industrielles, que j'ai appris qu'elles possédaient un côté un peu plus creux qui est celui que l'on remplit, que je sais où acheter les meilleurs avocats mûrs à point dans le quartier et surtout défaire un fromage filandreux à la main et en déposer les fils au bon moment sur la tortilla qui commence à croustiller (merci à l'inépuisable patience d'Álvaro, qui ne se lasse pas de tenter de faire de moi une vraie Mexicaine). Et tout ça, mesdames et messieurs, c'est crucial pour réussir une bonne quesadilla à l'avocat, base de mon alimentation!! Bon, par contre après ça qu'on ne se demande pas comment j'ai pu prendre 5 kg en trois mois passés au Mexique...si ça continue, il vous faudra une pancarte à mon nom pour venir m'accueillir à l'aéroport quand je rentrerai, parce que vous ne me reconnaîtrez plus.
lundi 19 janvier 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
8 commentaires:
Bon sang de bonsoir ;-)
C'est vrai, je n'ai pas compté les fois où tu as écris "bon sang" et ça ne te ressemble pas. Surveille ton écriture bon sang!
Non ça c'est pas vrai, depuis 2-3 ans elle dit souvent "bon sang".
Hahahaha j'avais jamais remarqué: maman, tu sais, quand tu mets ton nom pour signer un commentaire, t'es pas obligée de mettre une URL. En l'occurrence, je viens de remarquer que tu mets à chaque fois "www.maman.com", si bien que quand on clique sur ton nom on arrive sur "Maman.com, la communauté d'entraide des mamans" avec en ce moment cette question "Comment éviter la mort subite ?"... alors, sur le dos, sur le ventre, ...? :D Et puis, que faire quand bébé pleure la nuit ?
Mouahaha, c'est vrai, elle a mis www.maman.com? Trop drôle! Et je vois que t'as suivi le gag, fille cadette...
Concernant le "bon sang", c'est vrai que je le dis de plus en plus ces temps (enfin bon, "buena sangre" ça le fait pas trop en espagnol, donc je m'abstiens avec mes amis mexicains), et je n'ai pas la moindre idée d'où je tiens ça. Quoi qu'il en soit, j'aime bien ce petit relent moyenâgeux, et je trouve que ça sonne mieux que "bordel", c'est plus pertinent dans la plupart des cas.
Isabelle a raison! J'ai cliqué...
Mais si je ne mets pas le "com" ça sort toujours "anonyme". Faudra qu'Isabelle me montre.
Et pour le "bon sang", je plaisantais seulement. Je pense pas que ça vienne de moi, j'aurais plutôt tendance à dire "bonté divine" et je ne sais pas non plus d'où je tiens cette expression.
T'as vu tous ces Suisse allemands qui vont sur ton blog? Pas très précis, car Genève n'y figure pas souvent!
Becs.
Ouais, je sais pas trop ce qui se passe avec cette histoire de plans... Je suppose que ça déconne et qu'au lieu d'indiquer "Lancy" ça me sort "Bürgdorf", après tout c'est pas si loin. En tout cas ici ça fonctionne, j'ai vu des connexions d'Aguascalientes, de Chihuahua et de San Luis Potosí, et j'ai effectivement des lecteurs dans ces villes. Québec aussi, Sydney c'est Rodrigo et je suppose que La Paz c'est Pablo, il doit être par là-bas en ce moment. Y a donc qu'en Suisse que ça merde vraiment...
http://www.wulffmorgenthaler.com/
Un strip totalement barré chaque jour à minuit. Fait par des Danois.
Enregistrer un commentaire