mardi 16 juin 2009

Deux villages tzotziles

Les Totziles sont une des 17 éthnies mayas présentes au Chiapas, et la plus proche de San Cristóbal. Aujourd'hui, Daniel et moi nous sommes offert un tour guidé de deux villages tzotziles situés à quelques 8 kilomètres seulement de la ville, mais très différents de cette dernière.

Dans le premier village, Zinacantán, nous avons visité le lieu d'habitation de une famille locale, et notre guide nous a donné de nombreuses explications sur la culture maya et le rôle de chacun dans la société. Ainsi, cette femme, comme toutes les femmes de sa famille, et du village, si j'ai bien compris, passe son temps à tisser selon une technique ancestrale. Au vu des prix qu'elles pratiquent, je oense qu'elles s'en sortent très bien. "Ne croyez pas que les Indigpnes sont forcément pauvres", nous a dit notre guide, "certains d'entre eux ont des téléphones à 800 dollars et roulent en hummer".
Les hommes de Zinacantán se consacrent quant à eux à la culture de fleurs.
Nous avons eu droit à du café du Chiapas - dommage, je n'aime pas le café -, à un repas de tacos et à une dégustation du pox (prononcer posh), l'eau-de-cie locale parfumée à la canelle ou à la fleur d'hibiscus.


Ensuite, nous sommes remontés en voiture et sommes allés à San Juan Chamula, un autre village tzotzil à quelques kilomètres du premier. Bien que parlant la même langue que les Zinacantecos, les Chamulas portent des vêtements différents et se considèrent comme un peuple distinct. Voici leur église.
La croix chrétienne est toujours présente en trois exemplaires chez les tzotziles, représentant les trois dieux principaux: le soleil, la lune et la terre. Enfin je crois.
Les croix sont également ornées de motifs végétaux, et les branches qui y sont acochées représentent, comme tout ce qui est vert, la nature, d'après ce que j'ai compris.

A San Juan Chamula, il est formellement interdit de photographier l'intérieur de l'église, une procession religieuse ou des membres du clergé, sous peine d'amende. Et on ne rigole pas: 10'000 pesos, soit un peu moins de 1000 CHF, d'après ce que j'ai pu lire. Du coup je n'ai aucune photo à vous proposer de ce qui fut pourtant ce que j'ai vu de plus impressionnant au Chiapas: la cérémonie qui avait lieu dans l'église. Imaginez-vous des bougies, des milliers de fines bougies blanches allumées à même le sol par la population agenouillée et plongée dans des prières silcencieuses, moitié catholiques, moitié animistes; à cela, ajoutez un sol jonché d'aiguilles de pin odoriférant, et une atmosphère surchargée d'odeur d'encens; une mélodie monotone et envoûtante jouée à l'accordéon et accompagné de sourds coups de tambours; et enfin une dizaine de statues de saints, auxquels des dignitaires coiffés de bonnets blancs dédient des danses et des prières toutes la journée. Un tableau saisissant, et un peu comique également: pour se libérer du mal, les Totziles boivent en même temps du pox, symbole du monde supérieur, et du coca qui, de part sa couleur sombre, symbolise l'eau de l'inframonde; puis ils rotent puissemment pour faire sortie les mauvais esprits. Nous avons eu de la chance de venir un dimanche!


Par la suite, nous sommes finalement allés jeter un coup d'oeil au cimetière local.
Près de ce cimetière, notre guide, Julio, un tout petit maya d'1m.60, nous a encore donné des informations fort intéressantes sur ce village et la culture maya en général.
Ainsi, nous avons appris que San Juan Chamula est un village autonome; si j'ai bien compris, cela signifie que le gouvernement n'intervient que très peu, et que tout se règle au sein de la communauté. Voici une histoire vraie: un homme, ivre, viola un jour la femme de son ami. Celui-ci s'en fut réclamer justice; comme sa femme n'était pas vierge, il n'obtint que quelques milliers de pesos et une cinquantaine de litres de pox comme compensation. La virginité est en effet un bien précieux, mais puisqu'il s'agissait ici d'une femme mariée, la compensation financière restait modeste. Et la femme, me direz-vous, qu'a-t-elle obtenu? Rien. C'est l'honneur de son époux qui avait été bafoué, pas le sien. Mais, ai-je demandé, la femme ne pourrait-elle pas aller à San Cristóbal et réclamer justice à un tribunal? Non, m'a répondu le guide: dans ce cas on la renverrait dans sa communauté d'origine, c'est là que tout se règle puisqu'elle est Chamula. Atterrant. J'ai du mal à le croire, je me demande si c'est vrai. Après tout, cette femme est une citoyenne mexicaine comme toutes les autres, et on ne va quand même pas analyser son génome pour déterminer si elle est tzotziles, maya ou métisse! Il y a tellement de mékanges au Mexique que je suis surprise de voir à quel point le concept de race est resté vivace. Je sais bien que le fait d'appartenir à une communauté qui possède ses propres règles est important pour les Indigènes, mais là, quand même!

Julio nous a aussi parlé un peu de politique. Le 5 juillet ont lieu des élections majeures, celles des députés, je crois, et cela fait des semaines qu'on voit des affiches dans toutes les villes et qu'ils nous saturent de slogans politiques; dans ce contexte, nous a dit le guide, le vote des Indigènes est très important. San Juan Chamula, nous a dit notre guide, est un village plutôt aisé, bien alimenté en élécticité, par exemple, alors qu'à seulement quelques kilomètres on trouve des communautés bien plus pauvres. Pourquoi cette différence? Parce que San Juan Chamula a été "acheté" par un candidat. Et vas-y que je te construis une école et que je rénove ton centre historique...mais tu voteras pour moi, n'est-ce pas? Et deux-trois filles à moitié nues dansant sur la place publique histoire de convaincre les jeunes... Village autonome, donc, mais jusqu'à un certain point seulement.

Quelqu'un a ensuite posé à Julio des questions sur l'éducation: les écoles tzotziles sont-elles bilingues maya-espagnol? Réponse: oui...en théorie. Là encore, la réalité diffère des discours des politiciens. Les maîtres sont supposément parfaitement bilingues, mais c'est loin d'être le cas. D'après ce que j'ai compris, c'est surtout en maya que les cours sont donnés, et d'espagnol, nada. "Ily a bien une matière qui s'appelle "espagnol" ", a précisé Julio, "mais on n'y apprend rien. Des chansons, deux-trois histoires... J'ai des étudiants de l'université qui ne savent pas ce qu'est le passif." Quant à la grammaire maya, n'en parlant même pas, personne n'est qualifié pour l'enseigner. Je ne sais pas ce qu'apprennent, au final, ces gamins, mais leur niveau éducatif est en tout cas bien inférieur à celui des enfants non-mayas. Comment ces gens peuvent-ils espérer sortir de leur communauté, dans cette situation? Mais le veulent-ils seulement? Je ne sais pas si tous sont heureux, mais ce qui est sûr c'est que la société fonctionne, et fonctionne bien. Chacun possède un rôle bien défini, les femmes se marient entre 14 et 18 ans selon le système de la dot: plus la femme est belle, plus la dot est élevée. Mais passé 20 ans, si personne n'a voulu d'elles parce qu'elles sont trop laides, les femmes perdent tout espoir de se marier un jour, ce qui n'en fait pas pour autant des parias. Et bien sûr, en même temps qu'un mari, elles peuvent oublier l'idée d'avoir un amant, parce que l'adultère est puni d'expulsion de la communauté.
Bien sûr, tout ça me révolte; mais finalement, les tzotziles, femmes ou hommes, quitteraient-ils leur communauté s'ils le pouvaient? Je ne crois pas: quand on naît dans une culture, on la considère sûrement comme la norme.

Julio, lui, nous a expliqué qu'il venait d'un de ces villages mayas, mais qu'il avait grandi en ville depuis l'âge de 8 ans; il a donc eu accès à la culture occidentale qui caractérise la majeure partie du Mexique, et il travaille maintenant comme prof d'anglais et de français et comme guide touristique. il est très heureux de la vie qu'il mène, même s'il a toujours dû lutter pour pouvoir étudier autant qu'il l'a fait; mais ils nous a dit que son identité était divisée: il est maya, à 100%, cette culture l'intéresse et il en est fier; mais il vit en ville, étudie une maîtrise en anthropologie et aime danser sur de la musique éléctonique. Il lui est parfois difficile de concilier ces deux cultures sans se trahir.

J'ai quitté San Juan Chamula pensive. Une des personnes qui ont fait ce tour avec nous nous on raconté avoir discuté avec une Européenne qui vivait dans le village depuis plusieurs mois et vendait de l'artisanat, comme les villageois eux-mêmes. Serais-je capable de m'immarger ainsi dans cette culture? Je ne sais pas, et en fait je n'en ai pas envie. C'est facile de jouer à l'anthopologue quelques heures...mais plusieurs semaines, plusieurs mois...?

Voilà pour ces deux villages. En ce moment je suis encore à San Cristóbal, parce que je voulais me refaire tatouer...mais finalement non. J'ai quand même rencontré plusieurs personnes intéressantes dans l'auberge de jeunesse où je me trouve, et j'avais oublié à quel point l'atmosphère des hostales est agréable. Cette nuit m'attendent environ 17 heures de bus: je vais jusqu'à un petit village au-dessus de Valle de Bravo, dans l'état de México, loin, très loin du Chiapas. Là, je vais suivre une initiation de dix jours à la méditation Vipassana. Sans internet, sans téléphone et dans le silence le plus total... Vous n'aurez donc aucune nouvelle de moi jusqu'au 28, date de ma sortie de prison...euh! je veux dire du lieu de la retraite. On verra si à mon retour mes shakras seront ouverts et si je me serai connectée à l'Univers!

3 commentaires:

Elise a dit…

Je te laisse ce petit mot avant de partir en Provence 1 semaine. Je ne serai donc pas non plus connectée et je voulais poster pour le 1er anniversaire de ton départ ! C'était le 24 juin, n'est-ce pas ?! ça passe si vite... Tu as vécu tant de choses en 1 an !

J'ai hâte de lire ton récit de ta retraite. Je n'en ai jamais fait, mais cela me tente bien. C'est aussi une sorte de voyage, mais intérieur (et je ne sais pas qui ou Qui on peut y rencontrer...).

Je t'embrasse !

rodrigo a dit…

Hello nath. Et bien bon anniversaire en avance. Je ne sais pas si j'aurai toujours internet les prochains jours.

Concernant les indiens, je pense qu'avec le choix d'être autonome, ils ont justement décidé de se séparer des lois du gouvernement central, que ce soit au niveau de l'Etat ou de Mexico. Leurs règles peuvent parfois nous surprendre, mais ils sont, à mon avis, mieux lotis ainsi que sous la coupole de gouverneurs corrompus, sans compter au niveau du président.
Je suis également passé dans ce village et j'ai vu l'église, mais pas un dimanche. J'ai beaucoup aimé.
Une amie de ma soeur Sofia s'occupe d'une association qui est active au Chiapas (à l'époque elle vivait sur San Cristobal et elle m'avait reçu, mais elle est rentrée depuis).
Si tu veux des infos à ce sujet, dis-moi. Cette association veut en partie combler le vide laissé par le gouvernement (qui ne fait d'ailleurs jamais grand chose dans la région) tout en permettant aux indiens de garder leur mode vie.
Bisous depuis Kuala Lumpur

Lutinvengeur a dit…

je veux bien sûr dire anniversaire de voyage... le tiens, le vrai c'est en août si je ne me trompe pas ;-)

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