mercredi 27 mai 2009

Cobá - Valladolid - Chichén Itzá

Après Tulum, nous avons décidé de passer la nuit à Cobá au lieu de n'y passer que quelques heures. Nos sous ont ainsi contribué à faire vivre la petite communauté qui y vit et qui, comme c'est le cas partout dans le pays, est très touchée par l'absence de touristes due à la grippe porcine. Petit hôtel familial, agréable; par contre je n'ai pas aimé le village, très sale, et qui dégageait une ambiance morne, écrasé par le soleil. Je comprends qu'on soit pauvre, mais j'ai du mal à saisir pourquoi les gens jettent tant de papiers d'emballage et de bouteilles partout au bord de la route...

Cobá commence à être célèbre pour ses ruines; mais comme le pays n'a pas beaucoup de crédits à injecter dans les fouilles archéologiques, la grande majorité du site reste enseveli sous la jungle. Sympa. Ma mère est montée dans une sorte de pousse-pousse fixé à un vélo conduit par un guide, tandis que j'ai, quant à moi, insisté pour louer un vélo rien que pour moi.

A Cobá, il y a aussi un petit lac, dont les eaux troubles accueillent des crocodiles, mais nous n'en avons malheureusement vu aucun.


La pyramide la plus importante de Cobá.C'est la vue que j'avais depuis le sommet de la pyramide. De la jungle, remplie d'oiseaux qui émettent des cris ressemblant à des miaulements.


Le soir, nous avons fait la connaissance d'une quadragénaire néozélandaise, tatouée et heureuse propriétaire d'une impressionnante poitrine qu'elle laissait joyeusement pendre jusqu'à son nombril, ainsi que d'un novio mexicain de dix ans de moins qu'elle, qu'elle entretenait et avec qui elle voyageait dans tout le pays. Il a plu, puis tonné, et la lumière s'est éteinte d'un coup alors que nous étions en train de finir de souper sur la terrasse: coupure de courant due à la chute d'une ligne à haute tension. Durant une heure, c'est donc à la lueur des bougies que s'est poursuivie notre conversation avec l'exubérante et bavarde Néo-Zélandaise. Entre deux "bloody" et trois "fucking", nous avons appris que celle-ci avait des talents de médium et comptait les exploiter pour gagner sa vie au Mexique, où elle avait déjà longuement voyagé et comptait s'établir. Dans une atmosphère de fin du monde, elle nous a raconté la vision qu'elle venait d'avoir de ma soeur, suspendant des vêtements sur une barre métallique vide, au milieu d'un grand entrepôt. Ah. Mais attention, hein, ces vêtements seront sa propre création, parce qu'elle a un grand potentiel créatif! Isa, te voilà donc prévenue: ton destin est écrit, tu seras créatrice de fringues. J'ai dit.

Puis sont arrivés les électriciens, qui ont rapidement réparé les câbles tombés à terre, faisant revenir la lumière. Efficaces et rapides, mais je suppose qu'ils ne se pressent pas autant dans les zones que ne visite aucun touriste...


Le lendemain, nous avons pris le bus pour Valladolid, jolie petite ville toute proche, et bon point de chute pour explorer la région. Nous y avons déniché un petit hôtel très sympa, et ce matin nous sommes allées visiter les fameuses ruines de Chichén Itzá. Chichén Itzá, c'est l'attraction n°1 de la péninsule du Yucatán, peut-être même du Mexique, et on le ressent dès l'entrée: distributeurs de boissons, des tas de stands d'artisanat, des affiches proposant des guides dans cinq langues, et même deux bancomats (hors service). Je ne voulais pas qu'on prenne un guide, nous avons donc commencé la visite seules; mais rapidement, hébétée par le soleil de plomb et un peu désorientée, j'ai cédé et nous avons accepté l'offre à un prix exorbitant d'un paisible guide, quinquagénaire et trapu. Quand nous il nous a interpellées, il était tranquillement assis à l'ombre d'un temple, en train d'étudier avec application dans son Studio 100, une méthode de français. Il ne se sentait pas encore tout à fait prêt à guider des touristes en français, nous a-t-il dit dans la langue de Molière, mais il n'y avait aucun problème pour l'anglais. Ce type parle donc maya, espagnol, anglais et assez bien le français, sans compter qu'il se met gentiment à l'allemand...eh ben bravo, moi je suis admirative et envieuse.

Au fil du chemin, il nous a raconté plein de trucs sur les Mayas et Chichén Itzá, mais je ne vais pas vous gaver d'informations - d'autant que je dois avouer que je n'ai pas toujours écouté d'une oreille très attentive, étant donné que la chaleur me faisait quelque peu divaguer et que, surtout, l'accent de notre guide était absolument affreux.

Voilà quand même une info intéressante que j'ai retenue: selon notre guide, les scientifiques auraient désormais prouvé que les Mayas, qui ont vécu dans tout le sud-est du Mexique, ainsi qu'au Guatémala actuel, seraient arrivés, en des temps préhistorique, d'Asie. "Nous les Mayas", a-t-il expliqué, "nous possédons certaines caractéristiques physiques: nous sommes petits, bruns de peau, nous avons la tête ronde, les yeux noirs et un petit cou; mais nous avons aussi, tous, une tache de naissance dans le bas du dos, au-dessus du coccyx. Cette tache est sombre et étendue lorsque le sang est pur, plus petite et plus claire lorsqu'il s'agit d'un métis. Mais tous les Mayas l'ont, et ce qui est extraordinaire, c'est que les Asiatiques l'ont aussi! Les Chinois, les Japonais, les Coréens! Nous sommes parents avec eux." Intéressant, même si tous les Asiatiques ne sont pas marqués de la fameuse tache.
J'ai également retenu que, dans la péninsule du Yucatán, 60% des habitants parlent un des 30 dialectes mayas, desquels 5% ne parlent pas l'espagnol...c'étaient les statistiques du jour.

Ci-dessous, le fameux "château", le temps le plus important de Chichén Itzá. Jusqu'à peu, on pouvait encore le gravir et y entrer, mais on doit désormais se contenter de l'admirer depuis l'extérieur.


Ce mur est décoré de centaines de bas-relief représentant des crânes. Le tout était peint en rouge, parce qu'on arrachait la peau des condamnés à mort qui, évidemment, saignaient abondamment...

Un cenote. Les Mayas croyaient que ces lacs étaient la porte d'entrée de l'enfer; c'est pourquoi ils y jetaient les sacrifiés, volontaires, couverts de bijoux. Hum... Maintenant que j'y pense, ça n'a pas grand sens: si elles allaient en enfer, pourquoi était-ce un honneur pour les victimes d'être sacrifiées...? Je n'ai pas dû tout suivre. Il faut dire que je n'étais pas très concentrée quand le guide a donné son explication, puisque, mourant de faim, j'avais, enfin, déniché un paquet de biscuit et le dévorais avec un vif plaisir teinté de remords en pensant à mes fesses rebondies.
A l'intérieur de l'enceinte des ruines, plein de vendeurs de bijoux en argent, de sculptures et autres nappes colorées. De minuscules bonnes femmes toute fripées s'approchent dans leurs robes blanches aux broderies de couleurs pour vous tenter de vous vendre des mouchoirs, et tous cassent les prix. "Ils devraient économiser en prévision des périodes difficiles comme celle-ci", a commenté notre guide, "mais ils dépensent tout au jour le jour, et ont en plus plein de crédits pour la télé ou la voiture".La visite s'est terminée après plus de deux heures passées sous un soleil de plomb, et alors que nous étions toutes deux sur le point de tomber dans les pommes. J'ai vérifié: il a fait 40° aujourd'hui. Et je m'arrête là, parce que ma sueur goutte dans mon brand new clavier, faudrait pas que je casse celui-là aussi. Et note pour plus tard: la prochaine fois, demander une chambre climatisée.


samedi 23 mai 2009

Cancún - Cozumel - Tulum

Pas envie d'écrire. En bref: ma mère est bien arrivée, tout se passe bien même si elle m'énerve parfois et qu'on n'a pas toujours les mêmes envies. Sinon la mer est belle et turquoise, le sable est blanc et fin et il fait une chaleur moite, et je DETESTE le tourisme de masse. Ça, c'est dit.

Cancún. Contente d'avoir les guides en français apportés par ma mère!

A Cancún, le temps était couvert de temps en temps. Et ma mère va me tuer quand elle va découvrir que j'ai mis une photo d'elle en bikini sur mon blog, mais bon, moi j'aime bien cette photo...et il faut bien compenser, vu que vous n'en verrez pas de moi dans une telle tenue. Et puis franchement, à 62 ans, je trouve qu'elle n'a pas de honte à avoir; j'ai 37 ans de moins, mais je dois bien peser 15 kgs de plus qu'elle.

Nous avons rapidement continué jusqu'à Playa del Carmen, d'où nous avons directement pris un ferry pour Cozumel. Voici des sièges marrants dans un bar de Playa.
L'île de Cozumel est entourée d'un récif de corail, magnifique, paraît-il. J'avais envie d'y faire mon baptême de plongée, mais c'était décidément trop cher.
Nous avons loué un scooter pour faire le tour de l'île, et avons vu de superbes plages sauvages battues par les vents. Je n'ai malheureusement pas pris de photo, étant donné que je conduisais. Voici ma maman en train de laisser un message de remerciement sur les murs du magasin de location, c'est la grande mode, on dirait.

Après Cozumel, nous sommes descendues jusqu'à Tulum, où nous sommes encore. Plage aussi belle, voire plus, qu'à Cancún, avec l'agitation en moins, étant donné que notre hôtel est assez isolé.
Ce gros...euh...lézard, je suppose, est l'un des nombreux habitants des ruines de Tulum, situées juste au bord de la mer.
Sympas, les ruines, mais je n'ai pas senti de présence mystique ni d'émotion sacrée en pensant aux siècles qui se sont écoulés depuis que les Mayas vivaient ici...
A la plage, nous cohabitons avec des pélicans.

Le cliché parfait, comme dans les pubs pour la crème solaire. Dommage que le mec soit trop petit et en caleçon rose...

A Tulum, je l'ai finalement fait, mon baptême de plongée, et dans un cenote. Un cenote, c'est une sorte de lac qui communique avec tout un réseau aquatique souterrain. Mon moniteur était sympa et très compétent, nous avons fait des exercices de sécurité sous l'eau avant de partir vers le fond du cenote, j'ai dû m'entraîner à changer de détendeur. Du coup tranquille, aucune angoisse, et tout s'est très bien passé. Nous sommes restés une grosse demi-heure sous l'eau, sommes passés entre des formations rocheuses impressionnantes, avons vu l'entrée de grottes obscures, des poissons de toutes les couleurs, et un crabe jaune et bleu mort de trouille. Très sympa, j'en referai quand je serai riche.

Nous voici au moment où nous nous apprêtions à sortir de l'eau.




Et me voici dans ma superbe combinaison."Wow, on dirait une super héroïne de bande dessinée", m'a dit le moniteur avec un sourire de dragueur; "Ah ben ça t'amincit", a quant à elle commenté ma mère. Ah. Donc c'est encore pire sans...gulp.
Bon, là on va aller se vautrer sur la plage avec un bon gros roman! Demain, départ pour Chichén Itza avec les ruines de Cobá sur le chemin.

dimanche 17 mai 2009

L'autre Cancún

Je viens de passer cinq jours mémorables à Morelia, mais le récit détaillé de ce que j'y ai fait n'entre pas vraiment dans le cadre de ce blog, au contenu que je souhaite maintenir à un niveau décent (et bon, un tout petit peu intellectuel, aussi). Ahem. C'est pourquoi je vous offre plutôt ce soir le récit de mon premier contact avec la fameuse Cancún, c'est un peu moins croustillant mais il faudra vous en contenter.

Il y a quelques jours, mes amis de Morelia ont su me convaincre que passer 24 heures dans un bus n'était pas une option valable quand de nombreuses compagnies aériennes proposaient, pour le même prix ou moins, de m'emmener bien plus rapidement à l'extrémité orientale de ce grand pays. J'ai donc réservé aussi sec un vol pour Cancún, et ai pris l'avion aujourd'hui depuis Toluca, dans l'état de México. Ma mère n'arrivant que demain, j'ai donc dû trouver un plan pour cette nuit. Puisqu' il n'était absolument pas question que je paie une nuit de plus dans l'hôtel où nous allons être toutes les deux, j'ai donc envoyé une requête d'hébergement à un couchsurfeur, et c'est depuis chez celui-ci que j'écris.

Cancún, ce nom vous est familier, n'est-ce-pas? Bien sûr: Cancún, c'est un des principaux viviers à touristes en mal de plage. Sable blanc, mère turquoise... Il faut cependantt savoir que Cancún est divisée en deux parties qui n'ont pas grand chose à voir l'une avec l'autre: d'un côté la ville en elle-même, puis la zone hôtelière, de l'autre, qui est séparée de la ville par, je crois, une assez longue route. Vous l'aurez deviné, je ne suis pas spécialement enthousiaste à l'idée de suivre la masse des touristes à qui on ne s'adresse qu'en anglais et pour qui tout est déjà prémâché...mais bon, ma maman et moi n'avons pas prévu de faire long feu par ici. Quoi qu'il en soit, à la sortie de l'aéroport, après avoir esquivé les nombreux "do you want a taxi, miss?"et autres "in which hotel are you staying, miss?", et ayant réussi à décliner les offres des nombreuses personnes qui tentent de vous porter vos bagages, j'ai pu, humiliée d'avoir l'étiquette "touriste lambda" collée sur le front, monter dans un bus qui m'emmenait au centre-ville. J'ai dû ensuite me résoudre à prendre un taxi jusqu'à la maison de mon hôte (parce que bon, quand on est chargée comme un âne et qu'on n'a pas la moindre idée d'où vont les bus, on n'a pas trop le choix), et suis arrivée, en sueur, chez Roberto et ses potes.

Là, j'ai juste eu le temps de voir la chambre où j'allais dormir avant que mon hôte ne s'excuse: il allait voir un ami et revenait une demi-heure plus tard. Je suis donc restée seule dans la maison, et une heure et demi ont passé avant que ne débarque un autre type, dont j'ai oublié le nom, et qui vivait également ici. Nous avons entamé la conversation et il m'a fièrement montré ses petites pousses de cannabis. Puis je suis monté prendre une douche et lui ai demandé si je devais allumer le boiler au préalable, comme c'est généralement le cas au Mexique, mais il m'a répondu que la maison ne disposait pas d'eau chaude. Pas grave, il en faut plus pour me démonter.
Par la suite sont encore arrivés d'autres personnes, toutes de sexe masculin, bière à la main, et la discussion est allée bon train sur les tatouages et les voyages. Rodrigo m'a ensuite parlé de ses conquêtes internationales et du rêve qu'il s'efforce de réaliser: créer un village complètement autosuffisant, alimenté en énergis solaire, et où pousseraient des fruits et des légumes biologiques. Pas facile, au Mexique.

J'ai, encore une fois, passé une très bonne soirée avec des gens que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam. A Cancún...mais pas tout à fait. Et, alors que mes hôtes me demandaient des détails sur le voyage que je compte faire avec ma mère, je me suis posée la question: serait-elle à l'aise ici? La réponse est évidente: non. Des hamacs dans le salon, des plantes de marijuana, une douche approximative et dont l'eau inonde la salle-de-bain, des hommes tatoués qui débarquent à l'improviste par la porte laissée ouverte...ça n'est définitivement pas son genre. Alors elle et moi allons-nous faire du couchsurfing durant ce voyage? J'en doute de plus en plus. Certes, on peut souvent parvenir à évaluer le type d'endroit où on va tomber, d'après le profil de la personne en question; mais bien souvent, c'est la surprise. En ce qui me concerne, je me suis jusqu'à présent adaptée sans aucun problème au style de vie de chacun de mes hôtes, mais ma maman en est-elle capable? Je crains que non et, ma foi, je peux le comprendre; j'espère juste que, même à son âge, je serai encore capable de faire preuve de la flexibilité qui est la mienne maintenant.

En attendant, je suis à Cancún. Cette nuit je dors dans une banlieue sans charme particulièr, demain, je serai dans un hôtel quatre étoiles; où me sentirai-je le plus à l'aise, chez Roberto ou à l'"Ambiance Villas"? Je crois que je connais déjà la réponse. Ce qui m'amène à me poser une autre question: pourquoi ai-je tant de peine à accepter mon statut de touriste? J'ai presque honte d'être ici, dans l'un des lieux les plus touristiques au monde, et je me suis empressée de dénigrer l'endroit avant même de le connaître, histoire qu'on comprenne bien que moi, je ne suis pas de ce monde-là. Quand on me parle en anglais, je réponds dans mon espagnol le plus mexicain, pour qu'il n'y ait pas de méprise: je ne suis pas de ceux-là. Non non, moi Monsieur je ne suis pas une touriste, je suis une voyageuse, attention, ne nous confondez pas, eux et moi ne sommes pas de la même espèce! Moi, Monsieur, c'est le Mexique authentique que je découvre, attention!
N'est-ce pas un peu absurde? Que veut dire "authentique"? Quand peut-on prétendre qu'on connaît un pays, sa culture? Qu'est-ce qui différencie le voyage du tourisme? L'un est-il plus noble que l'autre? Ces mots sonnent parfois creux.

Et j'ai beau voyager sac au dos, je n'en suis pas une baroudeuse pour autant. Le cliché est beau, il a de la gueule, il est plein de romantisme; mais la vérité c'est que j'ai de l'argent pour voyager, un ordinateur portable et un gros appareil photo, et que je me déplace en bus de première classe. Cette facilité à voyager, ce confort, c'est ce qui me fait honte quand je suis confrontée au tourisme de masse. Honte mal placée, et fierté également mal placée quand j'exhibe mon bel espagnol dans des lieux peu touristiques; mais j'ai du mal à changer ça.

Alors Cancún? Demain, je découvrirai mon hôtel, j'irai au resto, après-demain je me mêlerai à la foule blafarde sur les magnifiques plages de sable blanc. Je suivrai le troupeau. Et j'espère bien en profiter, en laissant de coté mes préjugés.

lundi 11 mai 2009

Week-end Invisible Children à Guadalajara

Chose promise, chose due: voici un petit compte rendu du week-end que j'ai passé à Guadalajara il y a de cela deux semaines. De l'eau a coulé sous les ponts depuis lors (ma couleur de cheveux a changé et le clavier de mon pc possède désormais une touche Ñ...tout fout le camp, eh oui ma ptite dame!), mais bon voilà, j'avais quand même envie de vous donner un petit aperçu de cette fin de semaine mémorable.

Si vous suivez régulièrement mes péripéties, vous vous souvenez peut-être qu'il y a six semaines, Álvaro et moi avions hébergé cinq Américains membres de l'association Invisible Children, association dont le but est de mettre fin à la guerre qui sévit en Ouganda depuis maintenant 23 ans et, surtout, à l'abduction d'enfants-soldats. Nous avions alors décidé de faire le déplacement à Guadalajara un mois plus tard, pour manifester, et nous l'avons fait.

Álvaro n'a finalement pas pu venir, et jusqu'au dernier moment j'ai cru que je devrais manifester toute seule, mais j'ai finalement rencontré Fer dans la file d'attente des toilettes de la gare routière de Guadalajara et bref, j'ai fini par passer le week-end avec lui et son pote, étant donné que mon hôte potentiel ne répondait pas au téléphone. C'est en compagnie de Enrique, l'ami de Fer qui nous a hébergés, et de sa copine Deborah, que nous nous sommes rendus au point de rendez-vous, non sans avoir auparavant pris et imprimé à plusieurs exemplaires ces trois magniphotofiques photos:


Bon sang, moi qui me trouvais bronzée... J'ai vraiment l'air d'une merde de laitier à côté de ces trois basanés. On va dire que la photo est surexposée, hein. Le mec dont j'envie le teint de pain d'épice, à côté de moi, c'est mon pote Fer, vous le connaissez déjà, et ensuite vous avez Enrique - Quique pour les amis...et on ne rit pas, c'est pas de sa faute -, puis Debbie.





Chacun de nous était censé apporter trois photos de lui entouré de sa famille ou de ses amis, et nous devions encercler de rouge notre visage et poster ces photos avec les lettres que nous écririons aux autorités compétentes: la personne entourée de rouge symbolisait l'enfant ougandais enlevé à sa famille. Oui, je sais, dit comme ça, ça peut sembler un peu cucul.

Nous nous sommes donc pointés au lieu de rassemblement, et là surprise: Fer et moi étions les deux seuls débiles à porter le t-shirt officiel de la manifestation, vert militaire avec un AK47, acheté exprès sur internet. Tous les autres portaient un t-shirt blanc qui avait été spécialement dessiné par le groupe de Guadalajara pour l'occasion. Ah. Et tous des ados, issus de la même école...bon, ben on faisait tache, mais après tout on s'en foutait, nos t-shirts à nous étaient plus cools, d'abord.

Nous étions environ 250, et nous sommes tous partis en direction du lieu où nous serions sequestrés; car oui, c'était bien là le but. Les enfants ougandais sont enlevés à leurs familles et forcés à entrer dans l'armée de Joseph Kony: eh bien nous, nous nous séquestrerions nous-mêmes, dans l'attente que des leaders politiques et culturels viennent nous libérer. Je sens le petit sourire narquois fleurir sur vos lèvres... Oh allez, ne soyez pas si cyniques! L'idée était d'attirer l'attention des médias et, étant donné que l'évènement devait avoir lieu dans plus de 100 villes de 6 ou 7 pays, ça promettait quand même d'avoir de la gueule.

Notre petite bande d'enthousiastes a déplié les couvertures et sorti le pot de Nutella (oui, bon, fallait bien survivre, hein), et nous nous sommes installés pour faire le siège jusqu'à l'aube s'il le fallait, plus probablement jusqu'à 1h. du matin, heure programmée par le groupe de Guadalajara. Et le cirque a pu commencer.

Un jeune type avec un micro nous a fait des discours à la con sur "la situation en Afrique" (comme si l'Afrique était un putain de pays), puis nous avons tous revu l'excellent film disponible à cette adresse: http://therescue.invisiblechildren.com/en/#/watch/. Puis nous ont été distribués des feuilles de papier, des crayons et des adresses, et nous avons eu comme consigne d'écrire une lettre à...euh... ben à l'ONU, entre autres, je crois, pour demander aux autorités compétentes qu'elles fassent leur possible pour mettre fin à cette guerre. "Personnalisez votre lettre", qu'on nous a dit, "mettez-y ce que vous ressentez". Euh...ah, bon, ok. J'ai regardé Quique, Deborah et Fer écrire les leurs pendant que l'inspiration ne me venait absolument pas, et j'ai fini par pondre une lamentable merde sirupeuse. Et ça se prétend licenciée ès lettres...la honte.

Voici Fer, qui tire exprès une tronche dramatique pour l'occasion, avec son chef-d'oeuvre. Allez, je vous traduis ça: "Salut :). Puisque l'indignation ne suffit pas pour être une impulsion du changement, je me trouve à des kilomètres de ma ville avec la ferme intention que ma voix se transforme en un acte de justice. Je vous demande, à vous qui avez ce pouvoir d'execution (d'action), que ma voix ne se perde pas dans le vide, que les enfants d'Ouganda récupèrent leur liberté!" Ouais, il a le sens de la formule jolie et qui fait mouche, je suis jalouse.

Nous avons ensuite introduit nos lettres dans des enveloppes avec nos photos et mis le tout dans une boîte qui a été, je l'espère, remise à qui de droit.

Est venue ensuite la phase chiante de l'opération: les leaders culturels sont venus nous sauver, ouééé. Quelques pouffes siliconées sont venues dire que la guerre, c'était mal (j'exagère un peu, hein), puis un groupe de gamins gominés, pas plus âgés que 12 ou 13 ans, est monté sur scène pour chanter son dernier tube. Ouh-là, ça décoiffe! "Allez viens, monte sur ma moto, je t'emmène..." Un grand moment de musique.

Les organisateurs sont ensuite passés dans les rangs pour récolter un peu de thune...et puis plus rien. "Voilà, nous avons été libérés!" Hein?? Il n'était que 21h15, aucune personnalité politique n'avait pointé le bout de son nez et nous n'avions vu qu'une seule journaliste prendre des notes. C'est tout?? J'étais bien déçue. Il faut dire que depuis des semaines, nous recevions sans cesse des mails d'encouragement et d'information de la part du QG de l'association, à San Diego, et nous y croyions vraiment. Enfin...moi en tout cas. Aux Etats-Unis, c'est sûr que tout a pris bien plus d'ampleur, des milliers de manifestants dans chaque ville, et la leader culturelle de Chicago, c'est Oprah Winfrey, pas une bande de gamins prépubères. Guadalajara, c'est quand même la seconde ville du Mexique, je m'attendais donc à quelque chose d'un peu plus grand; mais d'après ce que j'ai compris, les Mexicains ne sont pas habitués à manifester.

Voici le t-shirt que tout le monde portait: "Je suis un otage, viens au sauvetage, le 25 avril 2009". Et j'ai appris un nouveau mot, "rehén", chouette.
Nous sommes repartis aigris et déçus (enfin surtout moi), Nutella et couvertures sous le bras, et sommes allés nous acheter des bières, que nous avons bues tous les trois (sans Deborah) en restant éveillés jusqu'à l'aube, comme c'était prévu depuis le départ, sur la terrasse de Quique. Nous n'aurons certes pas sauvé le monde, mais nous nous serons au moins bien marrés, le week-end était sauf, et moi j'ai eu un nouveau coup de foudre amical.

N'empêche qu'en matière de manifestation, on peut dire que celle-ci a fait un petit bide. Qu'importe, c'était une expérience intéressante, et l'intention y était. On verra quelles répercussions tout ça aura eu. En tout cas, moi j'ai appris une chose: vouloir sauver le monde et organiser une grande manif remplie d'actes symboliques, ça peut être grandiose quand des milliers de gens se réunissent, quand la foule vous galvanise; mais c'est juste gentiment ridicule quand vous n'êtes qu'une poignée de types en t-shirts blancs (ou vert kaki) qui écrivez des letttres assis parterre. Et c'est bien dommage.

Quelques photos en vrac:


Pour coller avec le t-shirt, il fallait le casque...

Après quelques courtes heures de sommeil, nous nous sommes réveillés avec une grosse flemme une et avons passé la journée...sur la terrasse, à ne rien faire. Fer et moi sommes ensuite rentrés à Aguas et avons trouvé notre ville ravagée par la peste...euh! la grippe, pardon.

Ci-dessous, voici une "torta ahogada". Une torta, c'est une espèce de sandwich que l'on mange dans toute la république, et la spécialité de Guadalajara, c'est de la manger "noyée", c'est-à-dire littéralement recouverte de sauce piquante.






Cette chaise-hamac est un piège redoutable. Je VEUX la même quand j'aurai une terrasse.
Là je ne tirais pas la gueule, j'étais juste à deux doigts de m'endormir.






Et sinon, Aguascalientes c'est fini pour moi...pour le moment, du moins. Demain après-midi part mon bus pour Morelia, où je vais passer deux ou trois jours avant de m'armer de patience et de descendre, lentement, jusqu'à Cancún, où arrivera ma maman dimanche prochain. Mon sac est fait, j'ai dit au revoir à tout le monde, mais j'ai du mal à réaliser que je vais quitter la ville dans laquelle j'ai vécu ces quatre derniers mois. En fait, je ne peux pas envisager que ce départ soit définitif, et peut-être que...qui sait...sans doute...

Qui suis-je?

Ma photo
Genève, Genève, Switzerland