samedi 15 août 2009

L'Agropecuario

Jusqu’à présent, j’avais surtout vu d’Aguas, ces dernières semaines, sont côté propre, net et policé et même un peu luxueux ; c’est qu’en plus d’aller faire mes courses, comme tout le monde, dans le grand supermarché près de chez moi où des jeunes filles au sourire coincé vous font déguster des tas de trucs sur fond de musique très forte, j’ai également plusieurs fois poussé jusqu’au gigantesque centre commercial du nord de la ville. Très peu de vélos, un vigile bavard qui surveille les voitures de tout ce beau monde, un Zara fantastique mais où les prix sont les mêmes que chez nous, et un Starbucks où la moindre boisson coûte le tiers de mon salaire horaire. Bien bien ; mais l’autre jour, je me suis enfin décidée à basculer du côté obscur de la force : je suis allée faire un tour à l’Agropecuario. Agropecuario, j’ai cherché dans mon dictionnaire en ligne, c’est à la base un adjectif qui signifie « agricole et de pêche ». J’aurais pu le deviner moi-même, tiens, suis-je bête. J’avais en tout cas déjà plusieurs fois entendu parler de cet endroit, que l’on m’avait décrit comme étant populaire et bon marché : logique, puisqu’il s’agit en réalité de l’endroit par où transitent tous les fruits, légumes, céréales et produits carnés d’Aguascalientes, avant qu’ils ne soient revendus aux détaillants. J’ai donc regardé, sur mon tout nouveau plan d’Aguascalientes – l’ancien a rendu l’âme après quatre mois de consultations bien trop fréquentes -, où se trouvait ce fameux Agropecuario, et me suis rendu compte qu’il se trouvait tout près de l’Alliance française, et que j’étais déjà passée devant ce lieu des dizaines de fois sans m’en rendre compte. Mais en lieu et place de la grande halle couverte et proprette que je m’attendais à trouver, avec sa jolie entrée où aurait été inscrit le mot « Agropecuario », ce sont en réalité des dizaines et des dizaines de petits entrepôts-magasins que j’ai découvert, alignés les uns à côté des autres sur plusieurs centaines de mètres carrés. Après avoir attaché mon vélo à un poteau hors de la zone, je me suis bravement frayé un chemin entre les files de camionnettes, et j’ai pénétré dans l’antre de la bête.
Tandis que je déambulais, paumée, entre les échoppes, j'ai tenté de me composer un air sûre de moi, du genre je suis mère de famille, je viens tout le temps ici et je sais exactement ce que je cherche. Raté. J'ai tout de même attiré l'attention, et ai pu constater, vu le nombre de regards salaces et d'interjections lancées dans ma direction que, d'une part, le lieu est effectivement très popupaire et que, d'autre part, je ne peux décidément pas passer pour la Mexicaine moyenne. Tentant de remonter un peu mon décolleté, j'ai regardé autour de moi: j'étais au beau milieu du département des produits carnés. Fascinée et plus que jamais convaincue que le végétarianisme était le bon choix, j'ai dépassé un camion chargé de gigantesques carcasses de bovins fraîchement dépiautés, un tas d'os auxquels restaient accrochés des morceaux de chair, et qui empestait dans la chaleur d'août. Sortir d'ici. Mais où diable se trouvaient les légumes?? J'ai encore eu droit au spectacle de dépouilles, roses, de boeufs écorchés et suspendus, sans tête, à l'air libre, et ai dû zigzaguer entre les Hidrocálidos chargés des kilos de bidoche nécessaire à nourrir toute la famille, et ai enfin débouché dans la zone des graines et céréales. Aaah, enfin dans mon élément! Euh..quoique en y regardant bien... Je me suis retrouvée devant une bonne quinzaine de gigantesques sacs laissant voir leur contenu des plus variés. J'aurais voulu pouvoir observer à ma guise, mais le vendeur est immédiatement arrivé pour me servir: "a sus órdenes", "à vos ordres". Là j'ai commandé un kilo d'avoine, histoire de l'occuper deux minutes, et ai regardé, indécise, l'immense variété de haricots, de ceux que nous appelons blancs, qui s'offrait à moi. Déjà le vendeur revenait avec l'avoine de mon déjeuner. "Quoi d'autre?" - "Donne-moi 500 grammes de pinto", lui ai-je répondu de la voix sûre de celle qui sait exactement ce qu'elle veut. Ben oui, le pinto, avec sa délicate couleur, rose marbré de blanc, m'a semblé tout mignon. Heureusement qu'il y avait une étiquette au-dessus de chaque sac... "Américain ou national?", m'a alors demandé le vendeur. Argh. Mon cerveau supérsonique a réfléchi en un quart de seconde, et c'est toujours aussi désinvolte que j'ai répondu que je voulais du national. Ouf, mission accomplie; après, il allait encore falloir cuisiner ces pintos, mais au moins j'avais sauvé la face.

J'ai ensuite découvert un magasin rempli de toutes les graines possibles et imaginables, de fruits secs, de lentilles, de riz, et en suis ressortie le sac à dos bien plus lours, mais le porte-monnaie à peine plus léger. La zone consacrée aux fruits et légumes m'a fascinée par son abondance. En plus des nombreuses espèces de pommes et de bananes (vertes, jaunes, à frire), on y trouvait bien sûr tous les fruits que nous nommons exotiques, dont certaines m'étaient inconnues. En matière de légumes, outre ceux que nous connaissons, il y avait en outre des éventaires entiers de nopal, le cactus mexicain, dont on mange la pulpe en tacos ou en salade après l'avoir dépiauté de ses épines (les vendeuses effectuaient ce travail à même le marché), de gigantesque tas de maïs (mais que serait le Mexique sans son maïs?), des sacs entiers de fleurs d'hibiscus séchée, dont on fait des infusions que l'on boit froides et sucrées, sans compter la variété infinie des piments, secs ou non. Le nopal j'ai déjà goûté et je n'aime pas trop, mais je me suis dit, en déambulant entre les stands, que je devrais varier un peu ma cuisine et intégrer plus de piments maintenant que je commence à les supporter, et plus d'ingrédients typiquement mexicains. Après tout, je dois profiter de ce que je vis au Mexique, je ne suis pas du tout sûre d'y rester plus d'un an.

J'ai finalement regagné mon vélo chargée de kilos de nourriture bon marché, satisfaite de mon escapade. Je suis revenue à l'Agropecuario quelques jours plus tard, sans décolleté mais avec mon appareil photo, bien décidée à en tirer d'intéressantes photos; mais je n'étais pas à l'aise et n'avais pas envie de dégainer mon gros reflex, d'entrer dans les bnoutiques et de chercher le meilleur angle de prise de vue. J'ai bien tenté de prendre quelques photos à la dérobées, mais elles ne m'ont pas plu, je les ai effacées. Il faudra donc vous contenter du texte et faire travailler votre imagination!


Ce week-end, je pars fêter l'anniversaire de Quique à Guadalajara, mais je vous prépare un post sur mon travail à l'Alliance française, je le mettrai sans doute en ligne lundi. Bon week-end! :)


2 commentaires:

Lutinvengeur a dit…

aaaaaaaaaaaaaaaah enfin de tes nouvelles! Eh trop cool, tu as découvert le côté "vrai" du pays. C'est ce côté là que j'apprécie le plus en Thaïlande et heureusement qu'il ne faut jamais chercher trop loin pour trouver un peu de ce que tu décris sur ton message. Bon je te l'accorde passer entre des carcasses ne doit pas être, même pour un omnivore, très facile la première fois.
Et bien, tu sais déjà qu'en rentrant tu es de corvée de bouffe. Moi je te ferai (si j'y arrive) un plas thaï et toi tu me feras un plat mexicain, mais please pas de chili con carne ;-)

Besitos

Unknown a dit…

Héhé, et ben moi quand tu rentreras, je te préparerai une bonne vieille fondue comme on le fait ici ;) J'irai chercher le from dans l'alpage fribourgoise et le pain dans une bonne vieille boulangerie valaisanne.
En tout cas, tu me mets en appétit en nous faisant visiter toutes ces denrées!!! Miammmmm, je sens que vais manger qch avec des céréales ce midi :)

Qui suis-je?

Ma photo
Genève, Genève, Switzerland