dimanche 13 septembre 2009

"A dónde vas, güerita?"

J'étais presque arrivée à l'Alliance, encore dix petites minutes de vélo, et à vrai dire j'en avais un peu marre, je voulais arriver. J'avais déjà une bonne demi-heure dans les jambes, la sueur collait mon sac à mon dos, le soleil me forçait à plisser mes pâles prunelles (toujours la flemme de partir à la recherche d'une paire de lunette de soleil bon marché et pas trop moche) et mon iPod m'envoyait des grésillements dans l'oreille droite. Mais bon, la musique était bonne, mon humeur aussi, et j'étais perdue dans des pensées plutôt agréables. J'étais arrêtée à un feu rouge, hésitant entre la voix de velour de Norah Jones et celle de petit elfe de Sophie Zelmani quand j'ai vu, du coin de l'oeil, un cycliste s'arrêter à ma gauche. Du coin de l'oeil toujours, j'ai remarqué qu'il tournait son visage vers moi et que sa bouche remuait. Et merde. L'espace d'une fraction de seconde, j'ai très sérieusement envisagé l'idée de continuer à regarder devant moi et de faire la sourde-aveugle-distraite... Mais mon cerveau a très rapidementc calculé que cette attidude serait immanquablement qualifiée de foutage de gueule, ou plutôt de foutajo de gueula, en mexicain. Comme mes parents ne m'ont pas éduquée comme ça et que je garde encore un tant soit peu d'affection pour mes semblables humains, j'ai, de mauvaise grâce, certes, enlevé mes écouteurs, me suis tournée vers l'homme en question et lui ai demandé d'un ton assez moyennement affable de bien vouloir répéter ce qu'il venait de dire. Et ce fut "a dónde vas, güerita?", ce qui équivaut à peu près à "où tu vas, blondinette?". Güera ou güerita, on m'interpelle constamment par ces sobriquets au Mexique, et cela fait bien longtemps que j'ai appris à ne pas m'en offenser: je sais que les Mexicains ne songent pas à me dégrader, et par ailleurs le tutoiement est tout à fait commun ici. Le type, un petit homme approchant de la quarantaine à la peau très basanée et aux yeux d'une bizarre couleur miel, était souriant et curieux, et je m'en suis tout de suite voulu de ma réponse froide: un soupir, et puis: "Pourquoi?". Cette réponse, elle n'était pourtant pas aussi froide que celle que j'avais en tête et que je me suis retenue de lui sortir: "Ecoute, ça te regarde pas et tu m'emmerdes, là." Avec un "pourquoi?", on fait nettement comprendre à son interlocuteur que sa question est impertinente, et ça permet en outre d'éviter de répondre directement. Le mien, d'interlocuteur, a bien saisi la nuance et son sourire a un peu diminué, mais il n'a pas lâché le morceau pour autant. "Oh comme ça. Tu es une cycliste?".A ce stade, j'étais franchement agacée et j'ai secoué la tête: "Hein? Comment ça, une cycliste? Ben je vais juste...où je vais...à vélo, quoi!"- "Oh, alors c'est juste par hobby?", qu'il m'a encore répondu. Bon sang, et ce feu rouge qui ne passait pas au vert. "Euh ouais, voilà", ai-je laconiquement répondu, regardant hostensiblement vers l'avant pour tenter de communiquer corporellement ce que je n'osais pas lui dire avec des mots: tu me fais chier. Mais ayant, je suppose, vu mes yeux clairs et remarqué un je-ne-sais-quoi de non mexicain dans mon attitude et mon accent (damn!), mon gugus a tenté un: "dou you esepike ineglich?" très vexant, auquel j'ai répondu par un franchement exaspéré et purement mexicain "Hé güey (mec), pourquoi tu me parles anglais, là?!". Là son sourire a tout à fait disparu, et c'est très humblement que ce petit mec sur son petit vélo m'a dit qu'il pensait que j'étais peut-être gringa (américaine) et qu'il s'excusait de m'avoir dérangée, en passant tout à coup au vouvoiement. Remors, malaise. Je me suis sentie honteuse de mon attitude envers lui. Je nous ai vus de l'extérieur, tous les deux: chacun sur son vélo, certes; mais lui le petit ouvrier mexicain pauvre (au Mexique on ne va pas travailler à vélo par plaisir, mais parce qu'on n'a pas l'argent pour s'acheter une voiture) et moi l'Européenne avec son casque et son iPod. Rien à voir. Malgré les apparences, lui et moi, deux cyclistes, appartenions à deux mondes différents et incompatibles. J'ai compris que lui aussi l'avait compris, et qu'il s'était sûrement mépris sur mon attitude, croyant sans doute que je le méprisais, me plaçais au-dessus de lui; et le pire c'est qu'il acceptait et reconnaissait peut-être plus ou moins consciemment cette supériorité supposée: les Mexicains ont en effet tendance à se rabaisser constamment face à l'étranger, et leur conscience des castes et de leur place dans la société est très forte. Seulement voilà, moi je ne méprisais pas cet homme malgré les différences criantes qui nous séparaient; non, moi je voulais seulement qu'on me foute la paix. Il me semble qu'en Suisse, nous sommes beaucoup moins invasifs: en général, on cherche à ne pas déranger les autres. Même si j'éprouvais tout à coup une grande curiosité à l'égard de quelqu'un, il ne me viendrait pas à l'idée de lui parler en pleine rue, et, surtout, je n'insisterais pas si je notais une réaction ennuyée. Chacun est dans sa bulle, je respecte ça. Est-ce la bonne attitude, pourtant? Je passe sans doute à côté de plein de rencontres en me fermant ainsi...mais c'est comme ça que je suis et je crois que cette croûte suisse restera, ce besoin de me fermer aux autres parfois. Est-ce propre aux Suisses? Aux Européens? Ma nouvelle collègue française, Marie, m'a dit que selon elle, en France les gens avaient tout aussi tendance à l'envahissement qu'ici. Vous en pensez quoi?

8 commentaires:

Lutinvengeur a dit…

Hello Nath. Non je pense que ton attitude est normale. Tu vis au Mexique et tu te sens je suppose chez toi, mais pour le commun du mexicain tu seras toujours une "gringa". Là tu seras toujours confrontée au mec qui te draguera ou tentera de te draguer avec trois mots d'anglais. Tu devrais te faire faire une t-shirt du genre "no soy gringa".
Moi pour ma part, je ressens ce sentiment lorsque chaque dix mètres un mec viendra te proposer la même chose pour la dixième fois..
Bisous

Monica a dit…

Salut Nath! C'est la prémiere fois que j'ai lu ton blog! J'éspere de pas faire beaucop de fautes.

J'aime ton post... Je crois que ça vas etre une situation frequente... tu devras t'habituer... mais, une seule chose: Je suis sure que la meme chose arrive en France. J'y suis allée une seule fois, il y a 4 annés... J'était toute seule tout le temps.... Je me rapelle de 4 ou 5 mecs qui m'ont dit de "piropos" (comment ont dit ça en français?) Un mec m'as suivit el il m'a invit'e a prendre un café. J'ai refusé et il m'a dit: "S'il te plait, donne moi ton email por t'inviter une autre jour..."

L'e mecs sont attirés par le femmes par tout... le maniéres d'exprimer cette atraction est varié... mais... cette maniére là, n'est pas exclusive du pays sous-developpé!

Nath a dit…

Rodrigo: donc tu crois que les gens sont plus envahissant non pas parce que c'est le Mexique et qu'il n'y a ps les mêmes coutumes, mais simplement parce que je suis exotique et attire plus l'attention? Donc qqn de manifestement très exotique subirait le même sort en Suisse?

Monica: Eeeeeh, ça me fait plaisir que tu m'écrives! Pour te répondre, le mot "piropo" n'existe pas en français, enfin pas que je sache. Et je sais que cette façon de s'adresser aux femmes n'est pas exclusive des pays...en voie de développement, on va dire; mais il me semblait juste qu'en Suisse en tout cas l'attitude générale était un peu différente... Je ne sais pas. Je verrai quand je rentrerai à Genève pour les vacances...

Unknown a dit…

ça me rappelle justement une anecdote vécue un matin même que je rentrais de la street parade après plus de 15h de danse dans les jambres, puant la fumée et surtout la transpi, les cheveux défraichis, la gueule marquée de fatigue..il était 10h à l'arrêt de bus de stand, en face du Tony's qui fait l'after. Un jeune mec métissé, mignon m'aborde en me reluquant de la tête au pied et me disant: "t'es fresh toi"! Toute étonnée je lui répond du genre: "ah bon? je pens pas non." Et du fait que je lui ai porté de l'attention il a continué direct à me dire: " tu me plais" et blablabla..le truc c'est qu'il me la^chait plus, il voulait avoir des infos sur moi sans rien dire de lui en retour, voulait qu'on aille prendre un verre, aller qlqpart, alors que je n'avais juste envie qu'on me foute la paix et me réjouissais de retrouver mon lit. Et l'ai trouvé vraiment envahissant et agressant dans la communication...baaaaahhhh!!!! J'appréhendais de ne pouvoir m'en débarasser, il me sckotchais, à chaque fois que je le rembarrait il revenait à la charge plus vif! J'étais dans la merde! J'ai du me détourner de lui, être beaucoup plus sèche dans mes propos limite agressive pour qu'il me fiche la paix.
Il y a pas de recette de comment agir face à ces genres de situations mais je pense qu'il faut suivre ce que l'on ressent. Il y a des gens qui essayent tant bien que mal d'entrer dans nos zones d'intimité et faut pas se laisser faire!

Nath a dit…

Yeah, girl power! Bon, et donc c'est pareil en Suisse et au Mexique, à ce que je vois? Mmmh... J'avais pas ce souvenir, mais c'est peut-être parce que je suis pas aussi fresh que toi, MC! :D

Violeta a dit…

bueno también tomando en cuenta la fama que han hecho algunas muchas verdaderas gringuitas cuando vienen de vacaciones a México, algo asi como senos al aire, nadando en alcohol y gastando dinero a lo goeeeii... pues por qué no lanzar un hola güerita??

creo que algunos hombres mexicanos ya es algo como costumbre lanzar una flor o echar una miradilla nada discreta y con aire bien pervertido... creo que yo he recibido unos cuantos "adiós güeritaAaAaAAA" en la calle, y yo... " este goeeiii pss que no vee que estoy bien tostadita?"

Nath a dit…

Jajajajaja, tostadita? Esta expresión nunca la había escuchado, y ves que ya tengo un ratín en México! Tienes otras palabras por el mismo estilo?

Y de veras crees que este wey, viéndome en mi bici, me comparó con estas pirujas gringas? Chale! Ni modo, la próxima vez llegaré con las tetas al aire. :D

Nicolas Quirion a dit…

"Dans un post intitulé “¿A dónde vas güerita?“, Nathalie s’interroge sur quelques différences culturelles fondamentales entre sa Suisse natale et le Mexique. Comme la manière dont les hommes abordent les femmes, ou bien encore le droit de chacun à rester tranquillement “dans sa bulle“…"

http://www.legrandjournal.com.mx/la-une/le-mexique-vu-par-les-blogueurs-5

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