dimanche 25 janvier 2009

Un petit pélerinage à San Juan de Los Lagos

La dernière fois que je l'ai vue, Noriko, ma nouvelle copine japonaise, m'avait raconté que plusieurs personnes de chez Nissan avaient prévu de faire, de nuit, le pélerinage à San Juan, et qu'elle-même songeait à le faire aussi. Álvaro et moi, enthousiastes, avons tout de suite déclaré que nous viendrions. Une quinzaine d'heures de marche? Peuh! Même pas peur. Oui oui, nous irions!
Il faut savoir que San Juan de Los Lagos, c'est une petite ville située dans l'état de Jalisco, voisin à l'ouest d'Aguascalientes. Je ne trouve pas de plan pertinent, mais en gros San Juan se trouve, d'après ce qu'on m'a dit, à environ 80km de chez moi. Loin, donc. J'avais de toute façon prévu d'aller passer quelques jours à Guadalajara, capitale de Jalisco, il me suffirait donc de choper un bus après la marche. La vierge de San Juan est fêtée chaque 2 février par des millions de Mexicains. Ceux-ci commencent ainsi à marcher dès le premier jour de l'an, et la ferveur dure jusqu'à la date anniversaire, où elle atteint son paroxisme. Aguascalientes n'est pas trop loin de San Juan, mais certaines personnes passent des jours, voire des semaines sur les routes, pour venir voir la vierge depuis leur coin reculé de pays et lui demander une faveur.

Noriko, Álvaro et moi sommes donc partis depuis l'immense usine Nissan à 18h40 ce vendredi soir, frais comme des gardons et bien motivés. Moi qui m'inquiétait de savoir si nous trouverions notre chemin sans plan, j'ai rapidement été rassurée: au vu de la masse impressionnante de pélerins sur la route, nous ne risquions pas de nous perdre. Les premières heures ont passé rapidement: Noriko a raconté des légendes du mon Fuji, et Álvaro a enchaîné avec celels de Popocatepetl et Ixtaccihualt, qui ont donné leurs noms aux plus célèbres montagnes du pays. Et moi...ben non, j'ai pas raconté d'histoire sur les Alpes ou le Salève vu que, c'est bien connu, je ne sais rien de mon pays. Ah, tiens, j'aurais dû parler du dahu, maintenant que j'y pense... Bon, toujours est-il que le temps a passé rapidement. Au début, nous longions directement l'autoroute, marchant sur la bande d'arrêt d'urgence, puis le chemin s'en est un peu éloigné et nous avons eu le droit à un peu de terre battue loin des bruits des voitures.

Voici me co-marcheurs après seulement 15 minutes d'effort. Et oui, au cas où vous vous poseriez la question, il fait encore suffisamment chaud à 19 heures, et jusqu'à environ 21h., pour pouvoir marcher en t-shirt.

De temps à autres nous croisions quelques petits postes pourvus en eau, snacks, lampes de poche et piles de rechange. Remarquez le panneau "Precaución peregrinos en el camino", "Attention pélerins sur la route". Sans blague! Ils ne risquaient pas de rater le troupeau, avec ou sans panneau d'avertissement.

Nous avons ainsi continué d'un bon pas...ou plutôt d'un pas tranquille, nous faisant régulièrement dépasser par des pélerins à la foi sans doute mieux accrochée que la nôtre. On croisait beaucoup de jeunes, dont certains même habillés en hip hopeurs, mais aussi des gens plus âgés, quelques uns portant une radion diffusant de la musique mexicaine.
Vers 23 heures, puis une heure plus tard, nous avons croisé deux importants postes de ravitaillement, où nous nous sommes fait héler par des vendeurs de nourriture et de piles. "Par ici, par ici, on a du café chaud et des tortas, viens donc mon ami, par ici!" J'ai été indignée de voir des gamins dès 7 ou 8 ans venir à la rencontre des pélerins pour leur refiler de la marchandise, et ce tout au long de la nuit, au lieu d'être au lit. Lorsque j'en ai fait la remarque à Álvaro, il m'a dit que lui était évidemment du même avis que moi, mais que quand on sait que certaines familles ont a peine de quoi manger et ne gagnent de quoi tourner qu'à ces occasions festives, on comprend qu'ils emploient toute la main d'oeuvre disponible.

Voici ce à quoi nous nous amusions sur le trajet, avec la lampe frontale d'Álvaro.
Nous avons bien tenu le coup jusqu'à environ 2h du matin; mais la fatigue a finit par réellement se faire sentir. Je me demandais, au début de la marche, pourquoi les pélerins étaient aussi silencieux...j'ai fini par comprendre: ils étaient juste trop fatigués pour avoir la force d'ouvrir la bouche. Mes orteils ont commencé à former des cloques, les genoux d'Álvaros se rigidifiaient gentiment, et Noriko marchait comme un zombie, à moitié endormie lorsque nous sommes arrivés en vue d'un village. Là, nous nous sommes renseignés: nous étions bientôt à mi-parcours, et la prochaine ville-étape, La Chona, était encore à deux heures de marche. Bon. Je crois que c'est à ce moment-là qu'il nous est apparu comme une évidence que nous n'atteindrions pas San Juan à pied; nous avons donc décider de continuer jusqu'à La Chona et de finir en bus. Ces deux dernières heures ont été les plus pénibles, et c'est littéralement en boîtant que nous sommes finalement arrivés en ville. Nous nous sommes éffondrés sur un banc de la place principale, au milieu de milliers d'autres gens, et avons tenté de faire la paix avec nos corps, grelottants dans le froid, tandis que l'horloge de l'église sonnait 4h.
C'est là qu'Álvaro a pris cette photo, donnant pour consigne "allez, faites une tête de j'en peux plus, laissez-moi mourir!" Il semblerait que j'aie mieux compris que Noriko, qui de nous trois a le mieux supporté la marche. En ce qui me concerne, je sais dorénavant que dans ma condition physique actuelle, 45 km, c'est un peu trop, et qu'à 25 ans je suis désormais trop vieille pour passer une nuit blanche sans dommage.

Nous sommes finalement montés dans un des nombreux bus affrétés pour l'occasion, direction San Juan et sa fameuse vierge. Là, nous sommes directement allés à la Basilique, déjà bien bondée à 5h.du matin. Quelques pélerins parcouraient sur les genoux les dernières dizaines de mètres les séparant de la Vierge, tandis qu'à l'intérieur des dizaines de personnes étaient endormies, assises parterre contre les murs, épuisées par leur marche.
Et voici la chose... Oui, rien qu'une petite statue de rien du tout. Je ne connais pas son histoire, mais la Vierge de San Juan est extrêmement populaire, et il paraît que c'est avec elle et celle de Guadalupe, à Mexico City, que le Vatican se fait le plus de fric.
Álvaro m'a bien fait marrer quand, dans l'église, il s'est penché vers moi pour me chuchoter: "Euh tu peux éventuellement te signer et réciter une petite prière, les gens apprécient... Je peux pas demander ça à Noriko, elle n'est pas catholique, et ça se voit, les gens comprennent..." J'ai ouvert des yeux horrifiés: la "Rome Protestante", ça ne lui disait donc rien?? Ni le "Post Tenebras Lux" que j'ai dûment ajouté à l'écusson de ma ville, peinturluré il y a deux jours sur le mur de l'appartement? Et puis d'ailleurs si je suis loin d'être catholique, je ne suis pas protestante non plus, et d'ailleurs je ne connais même pas le Notre Père en entier. Non non, désolée, pas moyen que je simule! Finalement, il n'y avait vraiment pas de quoi en faire tout un foin, Álvaro, également agnostique, ne s'est pas non plus signé, et nous avons continué notre chemin parmi la foule fatiguée.
Nous sommes passés par la salle des ex-votos, où des remerciements de toutes sortes sont accrochés au mur. Des photos d'équipes de foot gagnantes côtoient ainsi des robes de mariée et des photos de bébés, et de nombreuses lettres émues attestent d'une guérison miraculeuse.
A la sortie de la Basilique, nous nous sommes assis sur un trottoir pour faire passer le temps en attendant de trouver un endroit ouvert où manger un morceau. Nous nous trouvions pile sur le trajet des pélerins qui entraient dans la ville et, histoire de passer le temps, nous sommes amusés à compter combien d'entre eux avaient une démarche d'éclopés fatigués, comme nous. En moins de 25 minutes, nous en avons facilement compté une centaine, avec une moyenne d'environ une personnes sur 15. Pas tant que ça, finalement! Soit nous-mêmes étions vraiment en mauvaise condition physique, soit la majeure partie des gens prennent leur temps pour arriver jusqu'à San Juan. Certains viennent ainsi de l'autre bout du pays et passent un mois entier sur les routes,mais nous avons également rencontré des gens qui avaient fait le chemin depuis Zacatecas, soit plus loin qu'Aguas, et en une seule nuit.
Dans le centre-ville, tous les vendeurs de douceurs étaient dans la rue, à côté de leurs étals, et harcelaient les passants. Il semblerait que la spécialité de la ville soit la cajeta, qui est tout bonnement du dulce de leche, c'est à dire de la confiture de lait. C'est certes bon, mais quand on vous propose vingt fois de suite d'en goûter, ça commence à suffire. D'autres bonbons nous tendaient les bras, et nous en avons ramenés, mais nous avions juste envie de manger quelque chose de salé.

Des bilboquets.Des rosaires.

Et ça c'est juste un bout d'une église jolie.
Après avoir finalement trouvé un endroit où on vendait du thé chaud et des tortas (une espèce de sandwich avec, dans notre cas, du fromage, de l'avocat, de la tomate et des chilis marinés), nous avons attendu un ami d'Álvaro que celui-ci a appelé pour qu'il vienne nous chercher depuis Aguas. Il est finalement arrivé après une bonne heure d'attente, et j'ai enfin pu dormir dans la voiture. Moi , j'étais censé prendre le bus pour Guadalajara, mais j'ai renoncé. J'étais censée y voir Lorena, que j'avais rencontrée en Colombie-Britannique en août-septembre, mais je ne me sentais pas en état de faire la touriste et d'être une amie enjouée; je suis donc rentrée avec les autres et irai lundi à Guadalajara.

Voici une photo que j'aime bien, prise lors de cette attente.
J'ai finalement échoué dans mon lit à 11h., contente d'avoir tenté ce pélerinage, mais jurant qu'on ne m'y reprendrait pas de sitôt.

5 commentaires:

Elise a dit…

Moi aussi je serais bien embêtée si on me demandait de me signer... Je sais pas faire !!!

Bravo qd même pr le pèlerinage.

Biz.

Nath a dit…

Bon, en haut, en bas, à gauche, à droite...je crois que c'est pas si difficile! Mais ce serait tellement pas naturel...

Elise a dit…

...et un brin hypocrite...

Nath a dit…

Même carrément.

Anonyme a dit…

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