samedi 20 décembre 2008

Quelques éléments de culture mexicaine prénavideñesque

De Mexico City, Kal et moi sommes rentrés à Aguascalientes. Je dis « rentrés » et non pas « venus », parce que j'ai vraiment eu l'impression d'être de retour chez moi. La ville, les gens, la maison d'Álvaro...tout m'est familier, tout m'est confortable. Ces quelques jours avant Chihuahua se sont passés en visites à mes amis et balades tranquilles au soleil (il fait encore très chaud la journée), et Kal et moi avons eu l'occasion d'assister à nos deux premières posadas. Posada, en espagnol, ça veut dire « auberge » et « dar posada », héberger; et dans ce contexte prénoëlien ou prénavideñesque (j'invente des néologismes si je veux), une posada est une fête spécifique à la fin du mois de décembre, avec ses coutumes particulières, et à laquelle tout Mexicain participe au moins une fois. Cette fête est censée commémorer l'hospitalité qui a été donnée à Marie et Joseph dans une étable et, dans sa version traditionnelle, les hôtes sont supposés passer de maison en maison pour demander l'hospitalité; dans les faits, c'est surtout un prétexte à se réunir et à manger. La première posada à laquelle nous avons assistée n'était pas traditionnelle, elle ne contenait donc pas tous les éléments typiques d'une véritable posada; nous avons tout de même eu le droit aux tamales, à l'atole et aux piñatas. Les tamales, ce sont des espèces de pâtés confectionnés à base de semoule de maïs, enveloppés dans une feuille de maïs, et pouvant être salés ou sucrés. Cette fois-là, nous avons eu le droit à une délicieuse version au chili et au poulet, et je crois bien que je commence enfin à apprécier la nourriture piquante.

Ces tamales étaient accompagnés d'atole, une boisson sucrée typique des posadas, à base de maïs, elle aussi, et en l'occurence additionnée de jus de goyave. Pas mauvais, mais un peu écoeurant. Enfin, quand chacun eut fini ses tamales, le temps fut venu de suspendre les deux piñatas qu'Álvaro, Kal et moi avions choisies: une pour les femmes, une pour les hommes. On remplit chacune des deux piñatas de bonbons de toutes sortes (ci-dessous), et il s'agit de les briser à coup de bâton.


De nombreux magasins vendent des piñatas diverses et variés, en voici quelques unes, suspendues. Leur coeur est en terre cuite, afin qu'elles puissent être brisées sans trop de difficulté.
Voici les deux modèles que nous avons choisis.

Álvaro au fourrage...
Honneur aux femmes étrangères, j'ai été choisie pour porter les premiers coups. D'abord, on m'a bandé les yeux, puis on m'a fait tourner plusieurs fois sur moi-même, histoire que j'aie un peu le tournis, et c'était parti. Au moment où les coups sont portés, tous chantent une chanson d'encouragement, crient des absurdités comme: "vas-y, fort, frappe comme si c'était ton copain!!" et tentent de guider la personne qui frappe; mais évidemment, je ne comprenais pas grand chose dans ce brouhaha, et ça ne m'a pas beaucoup aidée. La piñata des femmes fut finalement brisée après cinq frappeuses, dégobillant son contenu de (mauvaises) sucreries, dans l'allegresse générale. Soit, c'est pittoresque; mais vous vous interrogez peut-être sur la signification d'un tel cirque, et il est de mon devoir de vous éclairer un peu! J'ai appris ce soir-là que la piñata représente le mal qu'il faut détruire. Une piñata traditionnelle possède ainsi sept pics, symbolisant les sept péchés capitaux; la nôtre n'en avait que cinq...quels sont les péchés que nous n'avons pas détruits? Pour ma part, je dirais la gourmandise et la paresse! Toujours est-il que c'est évidemment par la foi que, selon la tradition chrétienne, on parvient à détruire le mal, et cette foi est censée être aveugle, ce qui explique pourquoi on nous bande les yeux.

La piñata des hommes, que Kal a eu l'honneur de frapper en premier. Dans les magasins, les piñatas classiques côtoient des piñatas aux formes extravagantes.
Deux personnes, sur le toit (ici Álvaro), bougent la corde afin de faire se balancer la piñata et de rendre l'exercice plus difficile.
Le pauvre renne a rapidement perdu ses pattes, une à une...
Le lendemain, nous étions été invités à une posada bien plus traditionnelle, chez les parents de Marcela (souvenez-vous, c'est la fille qui a lu dans ma main), et les choses se sont déroulées un peu différemment. Déjà, la maison était somptueusement décorée, avec un immense sapin (artificiel), des boules scintillantes et des petits anges partout, et des chants de Noël résonnaient quand je suis arrivée. De quoi oublier qu'il avait fait une trentaine de degrés plus tôt dans la journée... En guise d'apéritif, des cacahuètes, des oranges et des mandarines, et du ponch aux fruits, sans alcool. Lorsque tous les invités furent arrivés, tout le monde s'est rassemblé pour une session de prières et de chants de Noël. Entre chaque chanson, qu'il accompagnait à l'orgue, un Ave María et un Notre Père. Nous avions en outre tous reçu une petite clochette, que nous étions censés agiter lors des chants...très jolie ambiance!


Bon, ça c'est juste la fenêtre des toilettes.

Le moment fut ensuite venu de "pedir posada", c'est-à-dire de demander l'hospitalité. Pour ce faire, les invités se sont divisés en deux groupes, l'un se postant à l'extérieur de la maison, tandis que l'autre restait à l'intérieur, ceux du dehors représentant Marie et Joseph demandant l'hospitalité à ceux du dedans. Nous avons tous reçu une bougie et les paroles de la chanson, et c'était parti. La chanson est écrite en castillan classique, mais certains, sans lire les paroles, la chantaient en espagnol mexicain: amusant contraste pour moi.

La dame qui rit était dedans, la dame floue au premier plan était dehors.
Je ne vais pas vous traduire l'ensemble du chant (et d'ailleurs zut, je crois que j'ai paumé la feuille), mais en gros Joseph demande l'hospitalité pour sa femme enceinte, et on le rejette; il dit alors qu'il s'appelle Joseph et est charpentier, mais on lui répond que son nom importe peu, qu'il doit laisser dormir les gens; Joseph dit que sa femme est la reine du ciel, et l'autre se moque de lui en lui répondant que si elle est reine, il est étrange qu'elle se promène en si pauvre équipage; Joseph finit par dire que sa femme s'appelle Marie et qu'elle va donner naissance au niño Dios, et l'autre lui ouvre enfin la porte; tous entonnent le chant final, et ceux du dehors (dont je faisais partie) entrent, précédés par la crèche, que portent deux enfants. Ce chant fut une grosse cacophonie discordante, mais j'ai aimé.


Une fois que l'hospitalité eut été accordée, il était temps d'allumer les feux de bengale. J'ai tenté quelques photos, mais elles ne sont pas terribles.
Ci-dessous, la piñata, que nous avons cassée ensuite. J'ai été à peine moins nulle que la veille.
Georgina, moi, Marcela, Kal, Alejandra. Oui, je sais, vous n'allez pas vous souvenir de tous les prénoms; mais moi je vais revoir toutes ces filles en janvier, elles sont devenues mes amies.








J'ai beaucoup aimé cette posada. Les parents de Marcela m'ont accueillie chaleureusement d'un "mi casa es tu casa", et j'ai senti que ça n'était pas une phrase creuse de bienvenue.

Voici enfin quelques photos prises sur la place de la cathédrale d'Aguascalientes.


Un mariage avait lieu ce soir-là. C'est un peu sombre, mais les types habillés bizarrement, de dos, sont des mariachis, embauchés spécialement pour l'occasion.
Un vendeur de bouffe. Il y a des centaines de ces petits stands de rue et, bien que les guides recommandent de ne pas y manger, je le fais régulièrement et n'ai aps encore attrapé la diarrhée. Oh, ça m'arrivera sûrement un jour ou l'autre, vu les conditions d'hygiène dans lesquels certains travaillent, manipulant la viande crue juste après les billets de banque; mais en attendant, c'est bon, convivial et pas cher. Je ne sais pas ce que sont les chaskas, mais elote est le nom que les indigènes donnent au maïs blanc, et qui est passé dans le langage courant. Un elote, concrètement, c'est soit l'épi entier couvert de beurre et d'une sorte de poudre de fromage et de chili, soit les grains noyés dans une sauce à base de crème et de fromage. Délicieux.
Les machins rose fluo qui ressemblent vaguement à de la barbapapa mais en plus chimique, c'est...de la barbapapa, mais en plus chimique. Jamais goûté.
Et voici enfin deux photos qui n'ont rien à voir, mais que j'aime bien.




Ce soir, je pars à Chihuahua avec le bus de nuit. Seule. J'étais censée partir avec Kal; c'était d'ailleurs son idée, au départ. Mais voilà, il se trouve que Kal et moi avons un peu de mal à nous supporter, ces temps....pas facile d'expliquer pourquoi, mais je vais essayer. Bon, déjà il faut dire que j'ai toujours classé Kal dans une catégorie un peu différente de celles dans lesquelles se trouvent mes autres amis. Lui, il n'entre pas vraiment dans "drôle", "dépressif", "paisible" ou "terre-à-terre"; je lui ai plutôt créé une catégorie toute particulière, qui serait quelque chose comme: "être étrange extrêmement intelligent et artiste totalement allumé, à la sensibilité très développée, ayant vécu des trucs de fous, capable de m'apprendre sur moi-même, les autres et la vie des choses que je ne soupçonnais même pas". J'ai ensuite appris à nuancer cette impression, en ajoutant: "être parfois complètement enfantin, et manquant de discernement, notamment en ce qui concerne les choses de l'amour, et donnant l'impression de savoir beaucoup de choses, mais en réalité à peine moins perdu que moi dans ce vaste monde". Bon. J'ai de Kal une image complexe, et ai encore du mal à le placer dans la bonne catégorie, mais jusqu'à récemment nous avons été très proches. Or, sans qu'il l'ait cherché, il a commencé à me blesser en me disant des vérités sur moi-même un peu difficiles à entendre. Pas de problème, je pouvais concevoir qu'il avait raison et que je devais me remettre en question. J'étais toujours disposée à voyager avec lui, me réjouissais de passer Noël à Chihuahua en sa compagnie, et voyais d'un bon oeil le fait que nous allions vivre ensemble à Aguascalientes dès notre retour. Ainsi, quand il a subitment décidé de ne pas m'accompagner, j'ai été vraiment déçue. Il m'a expliqué qu'il sentait que nous nous disputerions et qu'il ne ferait que me blesser plus, mais je n'étais pas d'accord: selon moi, nous étions tout à fait capable de vivre en harmonie, ne serait-ce que deux semaines de plus. Il n'est pas revenu sur sa décision, et je me rends compte qu'il avait foutrement raison: j'ai réalisé qu'en réalité je ne le supportais plus! Je n'en peux plus d'écouter son anglais lent et truffé d'erreurs, j'en ai marre de l'aider chaque jour à prendre sa "picture of the day", j'en ai ras le bol de l'entendre parler de gonzesses et d'amour platonique et surtout, surtout, je n'en peux plus de devoir surveiller mes mots sous peine de me voir embarquée dans une discussion philosophique sur la sagesse, la colère ou la critique. Je n'ai qu'une envie: partir loin de lui. Etrange, non? Un psy me dirait sans doute que s'il me dérange autant, c'est parce qu'il est mon poil à gratter, qu'il me dit trop de choses vraies que je n'ai pas envie d'entendre. Sans doute. Certainement. Mais à ce stade, je veux juste rigoler et boire des bières avec mes amis de Chihuahua, puis rentrer à Aguascalientes pour y passer quelques mois. Sans Kal. J'espère juste que nous pourrons nous revoir, et dans de meilleures conditions...

13 commentaires:

Elise a dit…

La complexité des relations humaines.... Vaste sujet... Je crois qu'il faut se laisser vivre avec les personnes qui nous font du bien et avec lesquelles on peut être authentiques. Sans s'enquiquiner avec des semeurs de zizanie qui plombent l'ambiance. Qui sait, votre séparation est peut-être bénéfique pour mieux vous apprécier dans le futur. Le temps vous le dira.

Sinon, j'aime bien cette tradition des piñatas, on devarit tous briser le mal qui nous ronge, une fois par an, ça nous purifierait !! A bas les emmerdeurs, les mauvaises habtitudes, les pensées noires ! La période de Noël est propice à faire un peu le point, Noël qui promet la Vie, la Lumière sur le monde...

Anonyme a dit…

Oh ce que j'aurais aimé vivre un tel Noël!!! Tout ce que j'aurais aimé vous transmettre, parcequ'en Allemagne et chez nous Noel est tellement différent qu'ici. Et là-bas chez toi, c'est un mélange des deux, mais en mieux me semble-t-il. Et une crèche: j'en aurais tellement voulue sous le sapin...Oui, j'aurais beaucoup aimé!

Quant à Kal, ma fois, tu l'as posé sur un piédestral et je crois que c'est bien ce qui s'est finalement passé. Il craignait peut-être que tu découvres ses faiblesses, ce que tu as

Isa est à Amsterdam et je suis allée nourrir les 5 chats. C' fait qu'après "sa" rupture. C'est bien ainsi. Je ne veux pas qu'on te rabaisse. Il a certainement beaucoup de problèmes avec lui-même et fait la psychanalyse des autres, c'est plus facile. Il me semble que tu te mets déjà beaucoup en question. C'est bien, mais ne te laisse pas démolir! Un peu de "self"-analyse c'est bien, mais laisse toi vivre! Je suis bien placée pour te le dire.

Ah oui, je voulais encore te dire qu t'as de jolies boucles d'oreilles et que la rue où ils vendent les pinatas ça ressemble à une rue à Kuta.

Anonyme a dit…

Bon, le truc d'Isa à Amsterdam devait venir après. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je la comprend qu'elle n'aime pas tes vers contre les murs et franchement je trouve que t'étais gonflée de lui laisser l'appart ainsi et en plus avec plein de cartons.

Pour ce soir, ça sera tout. J'espère que tu ne seras pas déçue de Chihu...! Je t'embrasse fort et continue à t'accompagner le long de ton périple.

Anonyme a dit…

Quand je veux envoyer sous "Maman" ça ne passe plus.

Nath a dit…

Concernant Kal, je crois que je me suis mal exprimée. Oui, il faut vivre avec les personnes qui nous font du bien, et justement, ça a été longtemps le cas pour Kal; simplement, ça n'était pas aussi évident que "oh je me sens bien avec lui". Et non, je ne crois pas l'avoir posé sur un piédestal, je me suis rapidement rendu compte de ses faiblesses, et il n'avait certainement pas peur que je découvre ses faiblesses. En réalité, c'est moi qui ai changé vis à vis de lui, et pas le contraire, lui est resté plus ou moins fidèle à lui-même. Et il n'a jamais cherché à me juger ou à me psychanalyser, et il ne m'a absolument jamais rabaissée, au contraire.
Et sinon, n'oublie pas que tu postes sur un forum public... Si tu as quelque chose à me dire qui ne concerne pas mon message, comme l'histoire des cartons, envoie-moi plutôt un mail, stp. Et au fait je n'ai rien compris à cette partie concernant Isa.

Unknown a dit…

Coucou Nath!!!!

Je pense très fort à toi pour cette période de Noël et j'espère que tu passeras de belles fêtes cette année! Suis sure que tu vas t'amuser comme jamais!

Te fais de gros becs et te prend pas trop la tête avec ce Kal!

MC

Anonyme a dit…

Je te souhaite de belles fetes de Noel avec tes amis au Mexique.
Gros becs.

Elise a dit…

JOYEUX NOËL cousine !
Profite de tout à fond !
Biz.

Nath a dit…

Merci, merci! J'espère que vous aurez tous bien profité des fêtes.

Unknown a dit…

Hello Nat,

Te souhaite avec un peu de retard de très joyeuses fêtes et si on ne se reparle pas d'ici là,une très très belle année 2009,en espérant te revoir cette année!bizou

Anonyme a dit…

En effet, comme tu l'as dit, la "map" des surfeurs est complètement fausse. D'accord, les lecteurs se situent surtout en Suisse, mais Genève ny figure pas même que je vais trois fois par jour sur ton blog depuis que j'ai congé, par contre il y a la Suisse allemande et la France, même pas voisine... Bon, c'est vrai: à quelques centaines de kilomètres, ils n'ont pas tort! Comparé à la distance qui nous sépare ce n'est pas grand chose! Becs.

Nath a dit…

Euh et puis qui te dit que je n'ai pas des lecteurs anonymes que l'on en connaît pas, d'abord?? Il y a quelques temps, un Suisse-Allemand m'avait contactée pour me dire qu'il aimait bien ce que je faisais.

Anonyme a dit…

Hey poulette!
Je te souhaite, comme tout le monde mais avec du retard, de très belles fêtes de Noël! J'espère que t'as bien profité de manger de bonnes choses dans des quantités gargantuesques ces derniers jours et que le 31 sera l'apothéose de cette orgie! ;-) D'avance, j'te souhaite une incroyable nouvelle année. Que 2009 rivalise (si c'est possible) avec 2008, qu'elle t'apporte du bonheur, de la découverte (sur toi et les autres), des envies, et surtout de la LIBERTE!!, c'est le maître-mot de ton voyage.

Il semble que de mon côté je vais partir d'ici qqs mois pour Paris! Bcp de choses changent en ce moment et du coup ce sera ma petite "Amérique" à moi, même si je ne pars aussi loin de Genève que toi. :-)

J'te fais de gros becs et je pense fort à toi!

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Genève, Genève, Switzerland