lundi 10 novembre 2008

Calle Farolito 16, San Miguel de Allende, México

Jeudi, j'ai finalement attendu Kal, le Coréen, durant deux heures à la station de bus. Quelle journée ennuyeuse j'avais passée! Mais tout à changé à partir du moment où j'ai enfin rencontré Kal. Nous avons pris un bus et nous sommes débrouillés pour arriver à la maison de ses amies, au centre ville. Kal était soulagé d'apprendre que je parlais espagnol, il a habituellement du mal à se faire comprendre par les Mexicains quand il parle anglais. Nous sommes arrivés dans une jolie petite rue, avons frappé à une jolie porte bleue, et c'est une espèce de hippie barbu qui nous a ouvert. « Nathalie, maybe you have already heard of Diego, who stayed with me in Chihuahua? » Mais oui, bien sûr! Diego, l'Argentin! Chaque fois que je passais devant le mur où étaient écrits les messages des couchsurfeurs, je lisais quelques mots de la chanson de Joan Manuel Serrat que Diego avait copiée en partie:

«Mis amigos son unos atorrantes / Se exhiben sin pudor, beben a morro / se pasan las consignas por el forro / y se mofan de cuestiones importantes. / Mis amigos son unos sinvergüenzas / que palpan a las damas el trasero / que hacen en los lavabos agujeros / y les echan a patadas de las fiestas [...] Mis amigos son unos malhechores / convictos de atrapar sueños al vuelo / que aplauden cuando el sol se trepa al cielo / y me abren su corazón como las flores. »

Ce qui peut se traduire à peu près ainsi: « Mes amis sont des diablotins / Ils s'exhibent sans pudeur, boivent beaucoup / se foutent des règles / et se moquent des questions importantes. / Mes amis sont des sans-honte / qui palpent les fesses des dames / qui regardent par le trou de la serrure de la salle-de-bain / et les jettent hors des fêtes à coups de pied. / Mes amis sont des malfaiteurs / reconnus coupables d'attrapper des rêves au vol / qui applaudissent quand le soleil montent dans le ciel / et m'ouvrent leur coeur comme les fleurs. »

Diego avait ajouté ceci à la fin du poème:

«Merci à la vie pour tant de mauvaise compagnie. Putain ce que ça vaut la peine que d'être vivant!!! Je vous aime, les mecs (intraduisible, en fait) [...] »

Autant dire que je l'appréciais déjà avant de le connaître.

Kal, Diego et moi avons ainsi passé un petit moment tous les trois avant que n'arrivent les autres, et j'ai beaucoup aimé les voir se dépatouiller pour essayer de communiquer. Diego parle très peu d'anglais, et Kal ne connaît que quelques mots d'espagnol; pourtant tous deux sont très proches. L'amitié se passe peut-être de mots, mais ils étaient tout de même contents de m'avoir comme interprête, et se tournaient vers moi pour que je fasse la traduction. Un excellent exercice pour moi! Je me marrais en voyant les regards perplexes qu'ils me lançaient: « Qué dijo..? » - « What did he say...? » Parfois, Kal tentait quelques mots en espagnol, et Diego répondait en anglais; moi j'écoutais, fascinée, ce somptueux mélange d'accents. Après quelques minutes, je me sentais déjà chez moi dans cette magnifique maison, et j'avais l'impression d'être en compagnie de deux vieux amis.

Quelques heures plus tard sont arrivées Angel et Elisa, les deux filles qui vivent, temporairement, dans cette maison. Elles sont Américaines du Montana, mais Elisa a des parents Mexicains, et toutes deux parlent espagnol. Nous avons tous finis par aller nous coucher après quelques heures de discussion en deux langues, et Kal et moi avons continué jusqu'à 5h du matin, parlant d'amour et de Chihuahua. Difficile de croire que ma journée avait été en grande partie solitaire et ennuyeuse...

Le lendemain est arrivée Caryana, une Dominicaine temporairement établie au Mexique, et nous avons passé l'après-midi à discuter à plusieurs sur la terrasse pendant que Diego tissait un bracelet. Il a quitté l'Argentine et son job sérieux il y a deux ans, avec un peu d'argent en poche, mais s'est assez rapidement retrouvé sans le sou et sans aucune envie de rentrer. Il a donc appris à tisser des bracelets et les vend dans la rue, depuis lors, pour gagner sa croûte.

En souvenir de cet après-midi magnifique et de cette amitié naissante, je lui ai acheté le bracelet à la confection duquel j'ai assisté ce jour-là. Diego m'a également donné quelques conseils à la guitare et m'a motivée à m'y mettre sérieusement. Puis Caryana, Kal et moi sommes sortis acheter les produits de base pour la confection d'un plat coréen, et j'ai vu la ville pour la première fois. De retour à la maison, nous avons juste eu le temps de mettre la viande au frigo et sommes tous repartis en ville pour assister, sur le parvis d'une église, à la performance d'Elisa, d'Angel et de leurs amis, qui prennent des cours de guitare et de chant dans le centre culturel local. Bon, le niveau des élèves n'était pas exceptionnel, mais nous nous amusions à faire les groupies dans le public, et avons pu sentir l'atmosphère de la ville.

De retour à la maison, Kal nous a préparé un plat coréen à base de riz et de viande, et nous l'avons dévoré après avoir trinqué à Obama, à l'amitié et au voyage. S'en est suivie une longue discussion sur la terrasse, arrosée d'un peu de téquila et agrémentée de chansons à la guitare et de poèmes. C'est fou, ils connaissaient tous, ou presque, un poème par coeur! Et c'est moi qui suis censée être la littéraire? Je me suis également rendue compte que tous étaient des artistes: Diego confectionne des bracelets et joue de la guitare; Kal est un photographe incroyable, ses mises en scène sont à couper le souffle – j'en reparlerai; Angel et Elisa vont bientôt exposer leurs oeuvres plastiques sur le thème de l'environnement, et elles ont toutes deux une formation en art visuel; David est sculpteur; et enfin, Caryana, outre qu'elle a une formation initiale de peintre, se met en scène dans des performances visuelles et sonores. Tous sont artistes, tous sont heureux, tous sont libres et ouvert, et je pouvais sentir leur énergie et leur amitié. Quand j'ai fait remarquer que j'étais la seule à ne pas être artiste, ils ont protesté en choeur: selon eux, j'ai un vrai talent pour la photo, et je devrais m'y consacrer sérieusement; en outre, j'écris, ce qui n'est pas rien. Certes. Je ne m'étais jamais envisagée sous cet angle, mais ma fois, même si je n'ai un talent exceptionnel ni dans une discipline, ni dans l'autre, au moins je fais quelque chose et ça plaît à certaines personnes...c'est peut-être bien de l'art.

J'ai capitulé avant la fin de la soirée et suis allée me coucher, épuisée, au beau milieu d'une discussion sur la corruption en Amérique du sud.

Samedi, Kal m'a demandé s'il pouvait m'interviewer, et j'ai bien sûr accepté. Depuis son départ, il réalise des interviews vidéo de certaines personnes qu'il rencontre. Il a commencé par me demander comment je m'appelais, quel âge j'avais, où je vivais et ce que je faisais dans la vie, puis il est entré dans le vif du sujet et m'a posé des questions sur mon enfance, sur ma famille, sur mes rêves et mes émotions. Sa principale question, qu'il pose à tout le monde: why do you live? Il a aussi voulu savoir si je croyais en le destin et quelle était ma conception de Dieu. Il m'a finalement demandé si j'étais heureuse et ce que je voulais. Les réponses sont venues toutes seules: oui, je suis heureuse, et ce que je veux c'est voyager. La discussion fut très intéressante, et je suis contente qu'il m'ait donné une copie de l'entrevue. Je n'avais pas les réponses à certaines des questions qu'il m'a posées, notamment sur mon enfance, et il m'a ainsi poussé à m'interroger sur pas mal de choses.

Le soir sont arrivés plusieurs amis des filles, des Mexicains venus passer le week-end à San Miguel. La soirée fut joyeuse et arrosée.

Nous nous sommes couchés alors que le soleil se levait et avons passé une courte nuit, treize personnes vautrées qui parterre, qui sur un canapé - j'ai eu cette chance! La journée de dimanche s'est passée à paresser sur la terrasse en buvant du thé, à discuter, à jouer de l'une des cinq guitares et à prendre des photos, puis ceux qui étaient venus exprès sont repartis, et nous nous sommes à nouveau retrouvés en petit comité - huit personnes.

J'ai encore quelques belles photos à poster; malheureusement, mon lecteur de carte mémoire m'a lâché aujourd'hui, et mon ordinateur de parvient pas à détecter mon appareil photo... Je vous montrerai donc la suite bientôt.


Demain lundi, je pars avec Kal et Diego passer quelques jours à Aguascalientes, un bled sur le chemin de Zacatecas. J'aurai passé dans cette fantastique maison de la calle Farolito quelques uns des plus beaux jours de mon voyage.

Et voici les photos, dans le désordre le plus complet. Pas le courage de les organiser, et on m'attend pour manger coréen!

Une sculpture de David, improvisée en quelques minutes.


David et Elisa.
Kal et Caryana.

Caryana. Cette fille a une voix grave et rauque, et elle récite la poésie comme personne, à vous en donner des frissons.
Diego.

Elisa et Emily, une autre Gringa.
David.

"Ah merde, y a plus une seule bière!"

David et Emily.
Elisa, Diego, David, et Saúl.
Voici deux versions légèrement différentes de cette photo; vous préférez laquelle?


Adrian, de Chihuahua.
Le début d'une Catrina de papier mâcher, par David. Les Catrinas sont des espèce de poupées squelettiques typiques de la région. Et au cas où vous vous le demanderiez, on dit "papel mâché" en espagnol.

David.

Kal, tentant de décider s'il allait rentrer à Zacatecas dimanche pour commencer son cours d'espagnol lundi, où s'il allait rester encore un peu et commencer les cours lundi prochain. Après moultes tergiversations, il a décidé de prendre son temps.

Ismael.

Caryana et Kal.

Elisa.
David.
Diego.
Kal.






Elisa et Angel.
Ca ben euh...je ne sais pas vraiment ce que c'est.
Kal et Caryana.
Kal et Elisa.
Angel.
Caryana.
Kal et Caryana.








Caryana.


Diego en train de tisser mon bracelet.


Et celle-ci, c'est la toute première photo que j'ai prise avec kal et Diego, quand je suis arrivée. On ne dirait pas, mais on était accroupis.




4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ben dis donc ! T'as vraiment bien fait de suivre ton instinct et aller voir ces inconnus qui ne l'étaient pas tout à fait. C'est cool tout ça, évite juste d'y rester 1 mois. ;)

Tu m'en diras plus en privé sur les questions auxquelles tu n'as pas su répondre, ça m'intéresse.

Anonyme a dit…

J'préfère la photo du bas, elle semble moins déformée et on voit mieux le visage dans le miroir. Sinon j'aime bcp la photo de la porte ouverte (dans les beige-jaune) dont on ne voit que le haut, j'aurais juste cadré plus haut pour qu'on ne voie pas le rectangle foncé...je comprend pas ce que c'est d'ailleurs.

Sinon j'expose mes photos de NY à Meyrin ce weekend, presque les mêmes qu'en septembre, ça va être cool j'espère!
Becos

Nath a dit…

Le rectangle foncé, c'est une peinture, et la porte c'est une fenêtre, aux toilettes. J'ai rien voulu toucher à la disposition des objets, la photo était spontanée.

Anonyme a dit…

je préfère l'image d'en haut car le regard des deux visages ne sont pas arrêter par le cadre...

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Genève, Genève, Switzerland