samedi 18 octobre 2008

Bière, musique & subtilités culturelles

Oui, je suis toujours à Chihuahua et non, je n'ai toujours pas visité le moindre musée ou édifice présentant un intérêt d'ordre architectural. Je me contente de passer du temps avec les gens, et ça me suffit amplement.

Vivian est parti il y a quelques jours, et mardi sont arrivés trois Américains, Ashley, Jess et Jarrett, qui ont passé avec nous deux nuits. Outre leur grande sympathie, ils ont emmené avec eux une guitare et une chanson, de quoi réveiller mes envies de musique! Ca y est, c'est fait, le déclic s'est produit: j'ai foncé en ville et en ai ramené une guitare. Bon marché, quand même, je précise...nan, parce qu'il faut dire que j'en ai déjà deux à la maison! La soirée a ainsi pu débuter selon un schéma classique: les hommes devant un match de foot à hurler une bière à la main, et les filles dans la cuisine, à gober des M&M's tout en jouant de la guitare et en chantant. J'ai ainsi appris une chanson de country nommée « Wagon Wheel », que je trouve absolument magnifique. Et ma foi, je dois dire qu'on s'est bien débrouillées, toutes les trois! Ashley à la guitare, et chacune chantant à une hauteur différente, c'était plutôt beau. Dommage, on n'avait pas le matériel nécessaire pour nous enregistrer...

La mixité a repris ses droits plus tard dans la soirée, et nous avons joué à des jeux à vous rendre fou. Par exemple, The green glass door: une beer peut entrer dans la green glass door, mais pas une cerveza; the moon, mais pas the stars; la couleur amarillo, mais pas rojo, ni azúl; un pollo, mais pas Polo; etc. Quel est la caractéristique que doivent posséder les objets pour passer la porte? J'ai trouvé relativement vite (et vous?), mais d'autres ont galéré longtemps; par contre, c'est moi qui m'étais pris la tête au jeu précédent: on pose des objets sur la table, selon un ordre aléatoire, et on doit trouver quel nombre ils forment. Je me suis longtemps, longtemps pris la tête: comment se faisait-il que deux stylos perpendiculaires forment le chiffre 7, alors qu'ils se transformaient en 2 dès qu'on y ajoutait un plectre? Et pourquoi ça faisait 0 quand on les superposait? Je suis restée l'avant-dernière à ne pas avoir trouvé, hyyyper frustrée. Puis j'ai eu le déclic: c'est les doigts des joueurs, formant un chiffre, qu'il fallait regarder, pas les objets! Ca paraît évident, maintenant que je l'écris, mais sur le moment je vous jure que ça n'est pas si facile. En tout cas, cela nous a valu de bons gros éclats de rire. J'ai également retrouvé avec plaisir l'américain et me suis rendu compte que je n'avais pas tant de mal que ça à passer d'une langue à l'autre, tout en me permettant de jurer en français quand je ne parvenais à m'exprimer ni dans la langue de Paul Auster, ni dans celle de Sor Juana Inés de la Cruz.



Koko, Jarrett, Jess, Polo, Ashley et moi.

La meilleure de toutes:

Les trois gringos sont partis jeudi matin, et j'ai repris ma petite routine de membre du mobilier de la maison. J'écris beaucoup, je réhabitue mes doigts à la guitare, je me balade et je bois des bières avec les gens. Je donne peut-être l'impression de m'être échouée dans cette ville, interrompant la belle dynamique qui a été celle de mon voyage jusqu'à maintenant, et gaspillant mon temps, mais je ne le perçois pas de cette façon. Ici, je découvre autant, sinon plus, que si j'étais en mouvement; de plus, et c'est encore plus important, je me gave d'amitié.

Au niveau culturel, j'ai ainsi eu une discussion très intéressante avec Koko au sujet des moeurs sexuelles des Mexicains. Ici, il faut déjà savoir que l'on passe généralement de la maison de ses parents à celle que l'on partagera avec son conjoint, et ce autour de 25 ans; mes trois amis, vivant en colocation et pas encore mariés au début de la trentaine, sont donc une exception majeure. Dans ce contexte, il est bien sûr mal vu d'avoir des relations sexuelles avant le mariage, et surtout pas sous le toit des parents; ceux de Koko ont ainsi piqué une crise quand ils ont découvert, il y a une dizaine d'années, des capotes dans la poche de son jeans. Dans les faits, c'est toujours la même histoire: les jeunes s'arrangent pour se voir en cachette et trouvent toujours un moyen de s'envoyer en l'air, avec des conséquences souvent désastreuse: grossesse à 15 ans parce que personne n'a donné aux ados des informations sur les moyens de contraception, et ensuite avortement à El Paso ou dans une clinique clandestine. Du coup j'ai beaucoup étonné Koko en lui apprenant que je possédais depuis une dizaine d'années un lit suffisamment grand pour accueillir deux personnes; les Mexicaines, elles, ne dorment pas avec leur copain, puisque leurs parents les attendent de pied ferme chaque soir. Ils regardent les mêmes films hollywoodiens que nous, mais leur réalité est bien différente!

Au niveau amical, je ne suis pas non plus en reste. Ainsi, jeudi soir, des amis de mes amis sont venus passer du temps à la maison. Je les avais déjà vus à l'anniversaire d'Ulises samedi, et je les ai salués comme de vieilles connaissances; j'ai donc vraiment eu l'impression de vivre là depuis toujours. Voici quelques photos.

Ulises et Itsiari.


Tino et Koko.Huicho.

En fin de soirée, seuls restaient quelques irréductibles, lancés dans un débat haut en couleurs sur l'esthétique et la signification de l'art. En particulier, les quatre mecs n'étaient pas d'accord sur ce qu'incluait, tant en musique, qu'en en peinture, au cinéma et dans la littérature, la catégorie expérimentale. Ils s'emportaient, parlaient vite et fort, gesticulaient et juraient tous les trois mots: difficile pour moi de comprendre le pourquoi du comment. Puisque de toute façon j'avais du mal à me faire entendre, avec mon espagnol pourri au milieu de cette cacophonie de voix masculines, je suis restée en marge de la discussion, en profitant pour observer ces quatre spécimens de mâles mexicains dans toute leur splendeur. Par moment trop fatiguée pour tenter de comprendre où ils en étaient de leurs arguments, je me contentais de me concentrer sur le son de leurs voix. Je suis maintenant tout à fait familiarisée avec l'accent et surtout avec les intonations si particulières d'ici, et je regrette juste de ne pas avoir de dictaphone. Tiens, une idée à creuser! Quand ils parlent entre eux, c'est en utilisant de nombreux mots d'argot que j'ai de la peine à saisir, et en plaçant un « güey » tous les trois mots, et c'est à peine si j'exagère. « Güey », qu'ils prononcent parfois à peu près comme « wey », ça veut dire mec. L'usage de ce mot est exactement similaire à celui que les rappeurs américains font de « man » et les cailleras des banlieues française de « mec » (à moins qu'ils ne soient passés à autre chose...je ne suis plus tellement connectée avec le monde des ados...). La différence, c'est que la discussion ne portait pas sur la façon dont untel avait défloré unetelle ou gagné un match de foot, fait enrager la prof (je reste polie) ou encore volé une mobilette (ça existe encore?); non, j'avais devant moi quatre universitaires maniant des concepts totalement abstraits et évoquant Van Gogh, le Marquis de Sade et Stanley Kubrick. Ca donnait à peu près ça: « Mais naaaan, mec! Picasso, mec, il avait son propre style, mec! C'était expérimental, mec! Personne n'avait fait ça avant lui, mec! C'était sa perception des choses, mec, totalement et complètement subjective, mec! ». Je me marrais toute seule dans mon coin.

Ce même soir, j'ai également appris que le mot « verga », qui se traduit très vulgairement par « queue » ou « bite » était également très souvent employée dans des expressions d'appréciation ou, au contraire, de dépréciation. Ainsi j'ai cru mal comprendre quand j'ai entendu: « Esta película es la verga, güey! »; ça veut simplement dire que ce film est fantastique. Par contre, « Esta música está de la verga » veut dire exactement le contraire.

Après plusieurs heures et 28 bières (j'ai compté), les güeyes sont finalement rentrés dormir à 3 heures du matin (en semaine, donc), tout heureux de cette discussion agitée.

Vendredi soir a eu lieu le Rockampeonato telcel 08, une mémorable soirée...rock, comme son nom l'indique. En tant que locuteur radio, Ulises faisait partie du jury chargé de départager cinq groupes locaux, il a donc pu me faire entrer en tant que membre de la presse, ce qui m'a évité une queue de plusieurs heures. A la fouille des sacs, on m'a dit que je n'avais pas le droit d'introduire mon appareil photo dans l'enceinte; Ulises est venu à ma rescousse en montrant mon badge: « non non, elle est de la presse! » La nana a accepté de me laisser entrer, et j'ai marmonné un gracias embarrassé, morte de honte. Une fois dedans, Ulises m'a abandonnée aux bons soins de deux de ses copines un peu folles et est allé prendre sa place parmi les jurés. Nous avons d'abord eu le droit à deux petits concerts sympas de groupes reconnus, puis à 2 chansons de chacun des cinq groupes locaux. Quelle belle merde, ces groupes! Si vous aimez le rock, n'allez pas à Chihuahua. Et ils se la pétaient avec des lunettes de soleil et des costumes impossibles... Un bon moment de divertissement, finalement. Puis, enfin, le moment que tout le monde attendait depuis le début: le groupe mexicain Cafe Tacuba, très connu dans le pays, a donné un long concert devant une foule déjantée et hurlante. Tous mes amis connaissaient les chansons, sautillailent et chantaient en même temps, et il faut dire que le groupe est bon.




"Peut-être que ton truc, c'est le rock"

Une dernière torta, sorte de sandwich de viande (je laisse de côté mes convictions pour le moment) fourré à l'avocat, et au lit!

Voici deux portraits d'Ulises et Koko, épuisés en fin de soirée, que j'aime beaucoup.



Bon, et la question cruciale: Nath, quand est-ce que tu vas enfin décoller de ce trou et visiter le sud magnifique du pays? Eh bien sans doute lundi. Ou mardi. Je ne sais pas. Je n'ai toujours pas envie de partir, et il faut dire qu'ici j'ai un bon lit chaud et douillet avec un Chihuahuense non moins chaud et douillet dedans, ça n'aide pas à s'arracher.



Enfin, quelques photos en vrac.

Vous voyez les visages?














7 commentaires:

Anonyme a dit…

Ou mercredi. Ou jeudi. Ou peut-être vendredi. Tu partiras jamais ! ;)

Sinon, réaction de Yannick en voyant une des photos: "Ah ben elle doit se sentir chez elle, il y a des gens qui écrivent sur les murs !"

Et j'ai trouvé tout de suite aussi la solution du jeu de la porte verte en verre. Telle soeur, telle soeur.

Anonyme a dit…

et telle fille, telle mère! Car j'ai aussi trouvé très vite...

Anonyme a dit…

Ah, j'ai enfin réussi à publier un commentaire!!!

Mais pour le reste, je n'avais pas compris: lit chaud et douillet etc. C'est l'etc. que je n'avais pas pigé. Pourtant, il me semblait que je n'étais pas tombée de la dernière pluie...

Bravo ma fille pour tes récits et photos. J'adore!

Le reste via e-mail!

Anonyme a dit…

Sinon, la photo gros plan de ton profil est vraiment bien.

Et une autre réaction, à "
Vous voyez les visages?"--> "Mais elle se drogue...?". Eh non, c'est naturel...

Nath a dit…

Euh merci du compliment, soeurette...mais sur le coup c'est toi qui prends des drogues, ou quoi?? Ou alors le compliment est pour le photographe, c'est ça? La photo est de Koko.
Et sinon ben ouais, c'est naturel. Enfin il paraît qu'il me manque une case (voir commentaires de la nots précédente)... Mais vous avez vu les visages, non??

Anonyme a dit…

Hello la chuhuahuense!! (comment on dit en fait?)
Je vois que tu prends tes aises et que tu as décidé de t'installer encore quelques temps au Mexique, profite bien du moment présent et c'est cool de pouvoir vivre le voyage autrement, posée au même endroit pour apprécier la vie comme la vivent les gens de Chihuahua! Y'a pas de mal à se faire du bien! Tu verras bien quand tu repartiras, personne ne te presse! :-)
Cool les photos noir et blanc des concert!
Bisous

Elise a dit…

Un petit coucou, pas le temps de m'étendre, d'ailleurs pas tout lu non plus (ouiiiinnnn !!!).
Belle photo où tu es songeuse, j'aime bien...
Je ratrappe mon retard dès que je peux. Bises.

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