dimanche 21 septembre 2008

Sequoia + Death Valley

Jeudi matin, je suis repassée faire un tour à Yosemite, puisque je devais de toute façon passer au travers du parc pour aller vers Sequoia. Dans le parc, il y avait des bouchons sur toute une portion de la route: les Rangers avaient allumés des incendies contrôlés et avaient bloqué la voie. Les incendies font partie du cycle naturel de la forêt,e t en l'absence d'un contrôle par l'homme, l'automne est habituellement la saison pendant laquelle les orages les allument. Le feu fertilise le sol et fait place nette, permettant à de nouvelles plantes de pousser là où elles manquaient de place.

N'ayant que peu de temps devant moi, je suis juste allée regarder « Spirit of Yosemite », un court film projeté au Visitor center. Vues d'hélico du parc à différentes saisons de l'année et explications détaillées sur la façon dont le lieu est devenu un parc national... le film est époustouflant. A tel point que lorsque je suis sortie de la salle, j'avais décidé de passer la nuit dans le parc, histoire d'en profiter encore un peu. Je me suis donc renseignées sur la disponibilité en camping et me suis mise en route vers l'un deux pour y poser ma tente – premier arrivé, premier servi, c'est la règle. Mais en chemin, je me suis retrouvée immobilisée dans les mêmes bouchons que j'avais croisés à l'aller et suis restée une bonne heure sans avancer d'un centimètre. Quand j'ai enfin pu redémarrer, j'ai décidé de partir sur le parc Sequoia, comme prévu: à ce rythme, je n'aurais absolument pas pu profiter de Yosemite. J'ai conduit tout l'après-midi dans des paysages assez variés, souvent sur l'autoroute et, oui, je me suis perdue. Enfin disons que je me suis trompée de chemin et m'en suis rendu compte (cruche que je suis) seulement après des dizaines de miles au milieu de vergers et de maisons. J'ai fini par sortir de ma torpeur et demander mon chemin à une immigrée Portugaise, et suis repartie exactement en sens inverse.
Plus tard, hébétée de fatigue, j'ai loupé l'embranchement de la route et ai atterri à l'entrée d'une zone militaire, marqué d'une zone blanche anonyme sur mon plan. Oups. Impossible de faire demi-tour avant l'entrée. Les mecs au poste d'entrée se sont montrés un peu suspicieux: vous voyagez seule, vraiment...? Quand ils m'ont demandé ma nationalité, j'ai hésité à leur balancer, pour voir: "Je suis Irakienne, en fait, en mission de reconnaissance...", pas sûr qu'ils auraient apprécié la blague. Ils se sont déridés quand je leur ai fait un grand sourire et leur ai servi l'histoire habituelle: vous voyez, j'ai fini mes études et je veux voyager avant de commencer la "vraie vie", et m'ont indiqué la route à suivre avec force détails. Ils m'ont quand même demandé mon permis de conduire et l'ont gardé pendant que je faisais demi-tour un peu plus loin, des fois qu'il me prenne l'envie de foutre le camp dans la zone militaire.

J'ai fini par arriver dans le parc Sequoia juste à la tombée de la nuit, le temps de trouver un camping et de m'installer. En quelques minutes, je me suis retrouvée dans le noir absolu. Vite, la bouffe dans la boîte anti-ours (parce que s'ils en sentent l'odeur dans la voiture, ils défoncent les portières), 4 couches de pulls, le bonnet et hop, dans le sac de couchage. Home sweet home au milieu des arbres, le Paradis. Sauf que j'ai déchanté quelques heures plus tard lorsqu'il a fallu s'endormir: bon sang, ce qu'il faisait froid! Après de longues minutes de contorsions diverses pour trouver la position la plus chaude (oui, ça existe), j'ai enfin pu me laisser aller au sommeil...pour ouvrir les yeux d'un coup dans le noir, quelques minutes plus tard: je venais de me souvenir qu'il faut aussi mettre les gels douches et autres shampooings à l'abri des ours, puisque leur odeur est sucrée! Voyons, où était donc ma trousse de toilette...? Ah oui, juste à côté de moi. Pas très malin. J'ai trottiné hors de la tente jusqu'à la boîte anti-ours, ma lampe frontale sur la tête, un peu flippée par l'obscurité et scrutant la lisière des arbres à la recheche de deux yeux brillants...mais rien. J'ai enfin pu m'endormir roulée en boule, dans le silence le plus absolu. Pas un seul murmure de vent, pas un seul hululement. Rien. Heureusement, je savais que la route n'était pas loin et que je n'étais pas seule dans le camping...


Ci-dessus, ma voiture (encore propre, à l'époque où elle n'avait pas ramassé la poussière de Death Valley) dans le camping, et ci-dessous la boîte anti-ours au mécanisme de fermeture sophistiqué... Notez le clou qui bloque verticalement le loquet.

Après une nuit de merde, je me suis finalement extirpée vers 7h30 pour découvrir qu'il faisait toujours aussi froid. En allant faire pipi, j'ai croisé les deux Rangers préposés à la récolte des 19 dollars qu'on est censés payer pour chaque emplacement de camping (cher pour ce que c'est, sans douche...). Ils m'ont appris que oui, c'était normal qu'il fasse froid, étant donné qu'on étauit quand même à plus de 6500 pieds (2200 m.) d'altitude. Cette nuit-là, il avait fait 40 degrés F (environ 3 degrés C). Je comprenais tout à coup mieux pourquoi le camping était presque désert...

Je suis tranquillement partie silloner le parc en voiture, et voici la petite moisson de photos que j'en ai rapportées.











Au milieu de la forêt, il y a un énorme rock de 91 m. de haut que l'on gravit à l'aide de marches taillées dans sa matière. Au sommet, la vuesur la forêt et les vallées voisines est époustouflante.

Au loin, un incendie, non volontaire, celui-ci. La Ranger présente m'a dit qu'il faisait beaucoup de bien à la forêt, mais qu'on tente quand même de le contenir, depuis une dizaine de jours, parce qu'il pollue l'air des vallées.Remarquez cette brume au loin... C'est le smog de Los Angeles et San Francisco qui vient de la côte et se retrouve piégé entre les montagnes. Evidemment, cela nuit aux arbres...


Ci-dessous, le General Sherman. On ne dirait pas, comme ça, mais cet arbre est l'être vivant le plus imposant de la planète. Il n'est pas le plus haut, ni même le plus large, mais il est celui qui possède le plus grand volume de bois dans son tronc (voir photo plus bas pour le panneau explicatif). J'étais un peu déçue de ne pas pouvori le toucher, mais c'est que piétiner les racines des séquoias est très dangereux pour eux. En effet, leur réseau de racines est très peu profond, malgré leur taille imposante; la seule chose qu'ils craignent est donc la chute. Ils ne craignent pas le feu, leur écorce étant ignifugée et très épaisse; au contraire, le feu leur est bénéfique puisqu'il élimine les concurrents; et ils ne sont pas non plus sensibles aux champignons et aux maladies. On comprend mieux pourquoi ils vivent si vieux... Car le General Sherman a environ 2200 ans! (Et encore, le plus vieil arbre au monde en a mille de plus...) Il a donc germé alors que Cléopâtre régnait sur l'Egypte (c'est ce que disent les autorités du parc, je ne suis pas allée vérifier...). Je trouve donc que le nom qui lui a été donné est particulièrement inapproprié: un humain, fût-il Général, ça ne vit jamais que 100 ans, au plus.
Cliquez pour agrandir et lire les explications...


Sequoia, c'est le genre de parc qu'il faut visiter pour comprendre ce qui en fait un lieu unique. Les photos sont pas mal, mais elles ne rendent pas la majesté des arbres ni l'atmosphère paisible qui règne dans la forêt. Dommage que je n'aie pas pu me retrouver seule pour vraiment profiter de cette nature...


J'ai passé tout l'après-midi à rouler, rouler et encore rouler, dans des paysages de canyons arides et magnifiques. Pfff, que c'est long sans copilote...
Le soir venu, je suis arrivée en vue de Death Valley. La nuit est tombée alors que je grimpais une petite route non asphaltée, terreuse, poussiéreuse, sinueuse, qui serpentait au milieu d'un paysage désseché. Je me suis retrouvée entièrement seule au milieu de cette lande, sans aucune lumière sur la route, seulement de loin en loin des phares distants dans le rétroviseur. Une impression assez irréelle... Alors que je m'apprétais à chercher un endroit suffisamment accueillant pour pouvoir garer la voiture sur le bas-côté et m'y blottir pour la nuit, un panneau est apparu dans le pinceau de mes phares: camping. Je n'y croyais plus. Bon, un camping, dans un parc national, ça signifie un emplacement pour la tente et des toilettes sèches, mais certainement pas de douches. Pas grave. Après ce long cheminement solitaire dans la nuit noire, ce lieu m'apparaissait comme un havre accueillant. Situé dans le parc, ce camping n'était pas éclairé; mais j'avais ma lampe frontale de baroudeuse et la lueur des lampes de deux groupes de voisins, à proximité.
Après avoir déplié ma tente (en 2 secondes, merci Décathlon) et rangé mon bordel, j'ai éteint la lampe et me suis couchée sur ma table de pique-nique pour regarder le ciel. La Lune était encore cachée et les étoiles étaient particulièrement brillantes. Un magnifique ciel, tel qu'on ne peut le voir que dans les lieux dénués de civilisation. Couchée sur cette table, je pouvais voir et entendre mes voisins, mais eux ne pouvaient pas deviner ma présence silencieuse. Les deux jeunes Allemands à ma gauche, tout près de moi, se lavaient les dents, crachaient, pissaient. Un peu plus loin, à ma droite, j'entendais des rires et des éclats de voix et pouvais apercevoir un feu de bois. J'avais envie de me joindre à l'un ou l'autre de ces deux groupes, moi qui avais marché, roulé et admiré la nature toute seule ces derniers jours, et qui allais encore dormir seule ce soir-là, dans ma petite tente. Mais en même temps, je jouissais réellement de cette solitude particulière: seule, mais pas complètement; l'oreille tendue, mais totalement silencieuse et indécelable dans la nuit venteuse, sous ces milliers d'étoiles. J'écoutais attendivement: les gens de droite étaient-ils Américains...? Il me semblait avoir entendu de l'anglais, mais aussi des bribes de français... Alors que je tendais l'oreille, j'ai entendu très distinctement: "Quel est l'animal qui a un os dans la bite?" Des Francophones, donc! Un os...je le savais...n'était-ce pas la baleine? N'y tenant plus, je me suis levée, suis allée à leur rencontre et leur ai expliqué que j'avais entendu la question mais pas la réponse... C'était le rinocéros. Je le savais! Après une petite discussion bien sympathique, je pouvais aller me coucher.

Malgré les cailloux qui jonchaient le sol sous mon dos, cette nuit, bien plus chaude, fut plus agréable que la précédente. Et dire que 24 heures plus tôt, je dormais dans la forêt et craignais les ours! Ces deux choses me paraissaient irréelles. Je m'étais programmée mentalement pour me réveiller avant le lever du soleil, et c'est donc à 5h20 que je me suis levée. La Lune était sortie, qui donnait au ciel une belle lueur argentée. Au dessus de l'horizon, Orion s'était lui aussi levé, et j'ai pu apercevoir les trois petites étoiles verticales, juste sous sa ceinture, qu'on ne voit que lorsque l'absence de pollution lumineuse le permet. Je me suis mise en route alors que l'aurore illuminait les montagnes. Je voulais arriver au centre de la vallée pour le lever du soleil, parce que le Routard disait qu'il le fallait absolument. Maudit Routard! J'ai roulé à tombeau ouvert sur les petites routes poussiéreuses, vite, viiiite, le soleil va se leveeeer! Pire qu'un vampire. Hum, mourir dans la vallée de la mort, ce serait comique, tiens...j'ai ralenti un peu quand j'ai réalisé que je n'arriverais pas avant le soleil. Tant pis! Dans ma course folle, j'ai manqué quelques attractions en début de parcours...tant pis aussi. Lorsque je suis finalement descendue de voiture, j'ai été étonnée de constater qu'il ne faisait pas particulièrement chaud. Bon, d'accord, il n'était que 7h. du matin, mais quand même... Il faut savoir que la Vallée de la Mort est l'endroit le plus chaud des Etats-Unis et qu'il est censé faire jusqu'à 38 degrés la nuit en septembre. Ah? Même quand le soleil était déjà haut dans le ciel, je n'ai pas eu l'impression qu'il faisait plus de 37 ou 40 degrés, alors qu'en plein jour et en juillet il peut faire jusqu'à 50 ou plus. Rodrigo m'avait assuré qu'il faisait tellement chaud qu'il ne fallait pas espérer camper dans la vallée...ben j'aurais pu, finalement. A quelques jours près, il a apparemment encore eu droit aux grosses chaleurs de l'été, pas moi. Bon, du coup j'ai pu prendre mon temps pour vraiment apprécier les sites sans devoir revenir en courant à la voiture au bout de deux minutes à l'extérieur...
Voici les photos:

Celle-ci est en 18 mm, mais il faut bien s'imaginer que c'est immense.


C'est la "palette de l'artiste" parce qu'il y a toutes sortes de couleurs (même si on ne les voit pas bien), dues à l'oxydation du fer (rouge, jaune), du manganèse (violet, pourpre) et du cuivre (vert... eh oui, j'ai pas choisi la chimie en option spécifique pour rien au collège!).

Et là, le Golden Canyon, tôt le matin.



Sur les trois photos suivantes, il s'agit du "Devil's Gof Course", le fond d'un ancien lac salé. Lorsque l'eau s'est évaporée, des cristaux de sel se sont formés; et lorsque, périodiquement, la pluie inonde la vallée, l'eau redissout les cristaux, qui se reforment aussitot que le liquide s'évapore, dans un cycle infini. Ces cristaux sont relativement fragiles et ils tintent comme du verre lorsqu'on les casse.






Badwater est le lieu le plus bas de tout lhémisphère occidental, à - 85 m. ( je crois) au-dessous du niveau de la mer. C'est aussi le point le plus chaud du parc, et donc du pays; à quoi il faut ajouter que les toilettes sèches attenantes au site sont les plus fortement, putridement, nauséabondement odorantes de tout le parc. Ci-dessous, de l'eau! Une petite source jaillit, mais elle est salée...c'est donc de la bad water, logique.Bon, là mon objectif était malheureusement constellé de taches, mais en blanc, c'est la Lune qu'il faut voir...

A la sortie du parc...



Enfin, je ne sais pas ce que j'ai traficoté pour que celle-ci sorte autant surexposée... Pas fait exprès, mais je l'aime bien comme ça, on dirait que la chaleur est insoutenable, non?



Je suis sortie de la vallée à midi, et ai à nouveau passé mon après-midi sur les routes. Les paysages étaient de plus en plus somptueux, semi-désertiques, canyons rouges, jaunes, bruns, et moi de plus en plus lassée. Je me suis à nouveau tapé des bornes et des bornes pour rien, ne comprenant pas où je devais aller, m'énervant contre ce foutu plan assurément faux... A bout de nerfs, je me répétais comme un mantra la phrase que j'avais dite au mec de chez Avis lorsqu'il avait tenté de me refourguer l'option GPS, pour 200 dollars en plus: "To get lost is part of the trip!". Ouais. Sans doute, mais sur le moment c'est bien chiant. Finalement, le plan avait évidemment raison et j'ai retrouvé mon chemin. Les campings proches du parc de Zion étaient pleins, et j'ai craqué: motel. Cher. Très. Mais c'était soit ça (douche, bon lit moelleux pour moi toute seule, wifi) ou dormir dans la voiture. Pas le courage, et j'avais quand même ce foutu blog à mettre à jour! Quand j'ai eu déballé toutes mes affaires et allumé le pc, je me suis rendu compte qu'internet ne passait pas dans ma chambre, trop lointaine. Tâchant d'être la digne fille de ma mère, j'ai surmonté ma flemme et suis allée râler, et ils m'ont changée de chambre. Bon, ma maman, elle, aurait exigé et obtenu un rabais en plus, mais bon...
on verra si j'arriverai à l'égaler avec les années.

Maintenant que j'ai enfin fini de tout écrire, je vais pouvoir tester ce lit à X dollars (montant indécent) en espérant qu'il fasse disparaître les douleurs persistantes que j'ai dans les reins et la nuque depuis que je conduis. Promis, au Mexque je ne ferai que du Couchsurfing pour rattrapper ces semaines de folies pécunières!

4 commentaires:

Lutinvengeur a dit…

Hello
On va dire que tu as eu de la chance de n'avoir pas trop chaud dans la vallée et d'avoir pu profiter de ta visite sans mourir de chaleur ni de soif au bout de 5 minutes. Bonne continuation

Anonyme a dit…

Merci maman !

Anonyme a dit…

Bon, il faut le dire, tu m'épates! Le nombre de trucs que tu sais c'est incroyable! On dirait que t'as mémorisé chaque information que t'as pu apprendre dans ta vie. T'es un vrai puits de science, j'aimerais en savoir autant sur les couleurs d'oxydation, les étoiles, etc.

C'est drôle parce que tes photos de Death Valley me font penser au film de Gus Van Sant "Gerry" dans lequel 2 gars se paument alors qu'ils font une promenade...j'me demande s'il a pas tourné là-bas...mais je ne te raconterai pas la fin tragique si tu ne l'as pas vu.
Merci pour toutes ces belles images qui m'aident à mieux me rendre compte de ce que tu vis et de ce que tu vois chaque jour!
Becs :-)

Nath a dit…

Mais non, mais non, je n'ai pas tout mémorisé! J'ai suivi un semestre de cours d'astronomie en physique, en 4e année, et je ne me souviens plus du tout de la manière dont on calcule la position des étoiles avec une carte sirius, par exemple...et les constellations, on n'en parle même pas, Orion est la seule que je reconnais vraiment.
Pour le film non, je ne l'ai pas vu, mais c'est fort probable qu'il ait été tourné là-bas, le paysage a inspiré de nombreux réalisateurs.

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Genève, Genève, Switzerland